Collectif culture du PCF

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14-18. Les femmes et l’économie de guerre

le 01 mars 2015

14-18. Les femmes et l’économie de guerre

L'économie est désorganisée. L'État n'a pas anticipé le choc économique lié à la guerre. Face à la pénurie de main d’œuvre on fait appel aux épouses, aux sœurs et aux femmes en général pour que l'économie puisse tourner.

Avec la mobilisation de 1914, de nombreuses entreprises ferment, faute de main d’œuvre. L’économie est désorganisée, des services – la poste, les transports, les commerces, les administrations sont paralysés. A cela s’ajoutent les destructions d’entreprises dues au conflit, dans les régions très industrialisées du Nord et de l’Est de la France.

L’État n’a pas anticipé le choc économique de la guerre. Le chômage est énorme à la fin de 1914 et début 1915. Il touche en particulier les femmes qui travaillaient en entreprise. Celles qui ne travaillaient pas se retrouvent sans ressources. Les allocations versées pour la mobilisation des maris sont trop faibles pour nourrir une famille.

Avec la désorganisation économique, les salaires vont brutalement baisser d’un tiers à la moitié, tandis que les prix augmentent. « Baisse des salaires et chômage se conjuguent avec une dégradation des conditions de travail. La déclaration célèbre du ministre : "Il n’y a plus de lois ouvrières" correspond bien à la réalité. Les journées de travail, de dix heures avant la guerre, atteignent onze ou douze heures. Les congés du dimanche sont souvent supprimés. L’intensité de l’exploitation se manifeste dans la morbidité liée aux accidents du travail. Malgré une activité moindre elle atteint un sommet en 1915 »(1).

Le début de la guerre est une hécatombe. On mobilise alors d’autres tranches d’âge. Puis la guerre s’enlise dans les tranchées et chacun comprend alors qu’elle va durer. Dès 1915, on prend conscience de la nécessité de rouvrir les entreprises fermées et relancer les machines.

Face à la pénurie de main d’œuvre, on fait appel aux réformés, aux retraités, à la main d’œuvre coloniale et aux immigrés.

On passe à une économie de guerre et pour augmenter la production et satisfaire la demande d’armements, les ouvriers qualifiés mobilisés sont rappelés dans leurs usines. Puis, les dirigeants, malgré leur conviction que la place d’une femme est à son foyer, font appel très largement à la main d’œuvre féminine.

On demande aux épouses, aux sœurs et aux femmes en général de les remplacer pour que l’économie puisse tourner. La même chose se fait en Allemagne et en Angleterre. Sous le prétexte de la guerre, les lois sociales sont supprimées. Chacun pense alors qu’il faut se serrer la ceinture pour un bref moment mais, dès 1915, « se manifeste une inimitié à l’égard des patrons qui profitent de la guerre pour exploiter davantage leur personnel »(1).

En 1916 est créé un comité du travail féminin qui recrute et achemine les ouvrières vers les usines. Le comité se charge même de leur hébergement.

Selon une idée reçue, c’est depuis la guerre de 14 que des femmes travaillent dans l’industrie. C’est faux ! Des industries, comme le textile, utilisaient une main d’œuvre essentiellement féminine. Par contre, elles étaient peu nombreuses dans des industries comme la métallurgie ou la chimie et occupent toujours des tâches secondaires. Dans leur grande majorité, les femmes travaillent dans l’agriculture et le commerce mais, elles sont considérées comme aidant leurs maris. Sur le marché du travail, elles sont surtout domestiques ou couturières à domicile. Il y a également des employées de bureau, des institutrices, des sages-femmes…

Le discours officiel encourage le travail des femmes alors que, jusqu’à la guerre, il culpabilisait celles qui quittaient leur foyer et délaissaient leurs enfants pour le travail. Il y a une grande main d’œuvre disponible : les chômeuses et les ménagères dans le besoin. Les places sont prises d’assaut.

Les femmes sans ressources ou aux faibles revenus sont accueillies à bras ouverts : c’est une main d’œuvre bon marché.

Les chemins de fer embauchent 7.000 femmes, la poste 11.000. Quasiment tous les secteurs recrutent pour remplacer les mobilisés : les services publics, les banques, les hôpitaux…

On autorise les institutrices à enseigner dans les classes de garçons. Des femmes deviennent gardes champêtres ou cochers. Dans les villes, elles sont embauchées comme receveuses puis conductrices de tramways.

Des craintes demeurent. A la Banque de France, on exige une tenue stricte « pour ne pas soumettre leurs camarades à la tentation ». Pour beaucoup, la place des femmes n’est pas dans l’industrie. Pour certains bien-pensants, une « masculinisation » des femmes risque d’être aussi grave que la guerre elle-même et le risque de confusion des sexes entraînerait l’anarchie morale.

On met aussi en doute leurs capacités. Le directeur de la Compagnie des omnibus parisiens répond en 1917 à un journaliste : « Malgré leurs connaissances, on pouvait redouter que l’insuffisance de leurs moyens physiques, la faiblesse certaine de leurs nerfs ne vinssent en des conjonctures soudaines et critiques leur enlever tout ou partie de leur libre-arbitre. Il n’en a rien été. Nos conductrices sont sûres d’elles-mêmes, calmes en présence de l’obstacle inattendu, promptes et précises en leurs décisions. Le pourcentage des accidents n’a pas augmenté depuis que nous les employons »(2).

Et c’est une bonne affaire pour les employeurs puisqu’elles sont moins payées. Et, lorsqu’ils sont obligés de payer hommes et femmes au même tarif, ils trouvent toujours une astuce pour contourner le texte. C’est le cas des tramways parisiens : les conductrices perçoivent le même salaire que les hommes, mais les jours de repos ne leur sont pas payés.

Récit Raymond Bizot (La Marseillaise, le 1er mars 2015)

(1) C. Willard, La France ouvrière, tome 1, 1993
(2) F. Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14, 2013

Roquefort-la-Bédoule. Une petite main au service de la résistance

le 01 mars 2015

Roquefort-la-Bédoule. Une petite main au service de la résistance

Livre. Présentation de l'ouvrage de Christian Bocconi consacré à Laurence Praire.

Une chaleureuse ambiance régnait hier matin dans la grande salle du cercle républicain des travailleurs de Roquefort-la-Bédoule. Tous les amis de Laurence Praire s’étaient donnés rendez-vous en ce lieu à l’occasion de la présentation par Christian Bocconi du récit biographique centré sur la période de la résistance. « L’idée me vint en 1984 suite à un article de l’Humanité qui faisait appel à ses lecteurs pour raconter sous forme de témoignages le quotidien de la résistance. Tous ces récits composèrent un livre intitulé Les inconnus de la Résistance, dans lequel Laurence et tant d’autres auraient mérité de figurer », tient-il à préciser et de rajouter « les petites mains au service de la résistance, ne peuvent rester dans l’anonymat. L’histoire en a besoin, il est de notre devoir de les mettre en lumière ».

L’oubli impossible, le pardon difficile

Très émue, Laurence a pris la parole pour remercier tous ses amis et « mon camarade Christian qui a effectué un énorme travail de recherche et de synthèse sur les années 1937 – 1941 durant lesquelles j’ai milité aux jeunesses communistes, au PCF, engagée dans la résistance avant d’être arrêtée et emprisonnée à Toulon ». Parti et résistance, deux mots très chers à son cœur. C’est son oncle Emile Fanucchi, qu’elle voyait très peu, qu’elle croisa au hasard d’une promenade qui lui conseilla d’intégrer les rangs des jeunesses communistes et d’adhérer au parti. Elle fut à la bourse du travail, la secrétaire de Charles Nédélec responsable départemental de la CGT jusqu’à la signature du pacte germano-soviétique de non agression qui servit de prétexte au gouvernement pour dissoudre en 1939, le PCF, les syndicats et fermer la bourse du travail.

Laurence rejoignit alors la résistance en emportant avec elle sa machine à écrire qui allait devenir sa seule arme pour lutter contre l’envahisseur nazi. « Agent de liaison, j’ai eu l’honneur de rencontrer un certain Freddo et j’appris plus tard qu’il s’appelait Pierre Georges, futur Colonel Fabien. Un nom qui a de l’importance pour les camarades communistes ». Arrêtée en 1941, sur dénonciation d’un membre de son réseau, elle est incarcérée à la Prison de Toulon jusqu’en 1943 dans d’horribles conditions. « Vivre en prison est une dure épreuve. Il faut composer avec la faim, le froid, la chaleur, la promiscuité, les puces et les punaises. J’ai même passé 8 jours au cachot pour avoir écarter des missives et chercher si l’une d’entre elles m’était destinée. La gardienne, une corse, n’aimait pas les personnes d’origine italienne, comme moi », tient-elle à rappeler. Mais même enfermée, avec ses quatre compagnes de cellule, elle a résisté en se cultivant, en chantant. « Maintenant au crépuscule de ma vie, je mesure le terrible calvaire subi par tous mes camarades torturés, emprisonnés, déportés. L’oubli sera toujours impossible, le pardon difficile ».

De longs applaudissements ont salué la fin de son intervention. Le chant des partisans (ce fut une surprise) entonné par des camarades de La Ciotat et repris en chœur par l’assistance acheva cette rencontre pleine d’émotion. Tous ont promis de se retrouver le 26 avril prochain pour la remise des insignes de chevalier de la légion d’honneur à Laurence Praire, elle dont la guerre a dévoré la jeunesse.

La Marseillaise, le 1er mars 2015

Roquefort-la-Bédoule. La très belle leçon de vie de Laurence Praire

le 27 février 2015

Roquefort-la-Bédoule. La très belle leçon de vie de Laurence Praire

Biographie. Présentation demain de l’ouvrage de Christian Bocconi consacré à une grande résistante bientôt décorée.

La salle du cercle républicain des travailleurs de Roquefort-la-Bédoule ne sera pas assez grande pour accueillir demain matin sur le coup de 10h tous les amis de Laurence Praire, ses camarades de la section de La Ciotat du Parti Communiste Français (PCF), ses compagnons de l’Association républicaine des anciens combattants (Arac), dont elle est la Présidente du comité local. Pour rien au monde, aucun ne manquera la présentation du livre qui retrace sa vie qui ne fut pas toujours un long fleuve tranquille.

Forte dans l’adversité

Née le 6 juillet 1921 dans une famille d’origine toscane, dans la quartier populaire marseillais de la Belle-de-Mai, la jeune Laurence Fanucchi obtient à 16 ans un diplôme de sténo-dactylo et un emploi à la Bourse du travail de Marseille. La rencontre avec son oncle Emile, chauffeur de taxi, membre du bureau régional du PCF et responsable du journal Rouge Midi, est déterminante. Elle adhère en 1937 aux Jeunesses communistes et au PCF.

En 1939 à la suite de la signature du pacte germano-soviétique, les syndicats et le PCF sont dissous. Elle quitte alors son emploi emportant avec elle sa machine à écrire qui allait devenir son arme pour lutter dès le début de la guerre contre les nazis.

Engagée dans la Résistance à 20 ans sous le nom d’emprunt de Simone, elle assure, au péril de sa vie, un rôle d’agent de liaison avant d’être dénoncée par son chef de réseau et emprisonnée, jusqu’à la Libération, dans des conditions difficiles à la prison de Toulon.

Après la guerre, la vie reprend avec ses aléas, ses peines et ses joies. Mais son optimisme, son courage, sa volonté et sa force de caractère, lui permettent en toutes circonstances de faire face à l’adversité.

Militante active de la cellule du PCF, ce parti auquel elle est restée fidèle, et du Front de gauche, elle coule des jours heureux entourée par l’affection de tous ceux qui la connaissent. Ils viendront la remercier pour cette belle leçon de vie qui sera récompensée le 26 avril prochain par la remise des insignes de chevalier de la Légion d’honneur. Et merci aussi à Christian Bocconi pour cette biographie passionnante.

La Marseillaise, le 27 février 2015

Jean Ferrat. Un hommage mais peu d’héritiers

le 27 février 2015

Jean Ferrat. Un hommage mais peu d’héritiers

Alors qu’un album emmené par Marc Lavoine honore la mémoire du poète, le rap semble le plus à même d’incarner l’engagement du chanteur.

Chanteur engagé, une espèce en voie d’extinction ? Cinq ans après la mort de Jean Ferrat, à qui rendent hommage Marc Lavoine, Cali et d’autres dans un album-hommage à paraître lundi, l’époque n’est pas vraiment à la chanson politique et militante, sauf chez les rappeurs.

« En groupe, en ligue, en procession/En bannière, en slip, en veston (…)/Avec des gros, des p’tits, des durs/Je suis de ceux qui manifestent » : Zebda, groupe « citoyen », ne pouvait rater l’hommage au poète engagé en reprenant un titre écrit par Jean Ferrat en réponse à Georges Brassens. L’album de reprises « Des airs de liberté » réunit une quinzaine d’artistes à l’initiative d’un fan de toujours, Marc Lavoine, cinq ans après la disparition de Jean Ferrat qui, pendant 50 ans, a chanté l’idéal communiste, la fraternité et l’amour et dénoncé la misère humaine. S’y côtoient des évidences, « La montagne », « Ma môme », « C’est beau la vie » et des chansons moins accessibles comme « J’arrive où je suis étranger » et « Tu aurais pu vivre ». Jean Ferrat est lui-même présent avec la version originale de « Ma France », une ode à la liberté de 1969 censurée en son temps.

Médine, Kery James, IAM

Mais cet hommage appelle une question : Jean Ferrat a-t-il des héritiers dans la chanson actuelle, des artistes fredonnant l’amour tout en levant le poing ? Depuis les années 1990, la chanson se fait élégante, mais rarement militante. Plusieurs artistes (-M- ou Grand corps malade) ont certes rendu hommage aux dessinateurs tués dans l’attentat contre Charlie Hebdo et Benjamin Biolay a écrit en mai 2014 un titre en réaction à la percée du Front national aux européennes. Mais ils sont finalement peu à prendre la relève des Renaud et Noir Désir. « Le style musical de l’époque n’est pas à l’engagement », confirme la sociologue Béatrice Mabilon-Bonfils, qui étudie le sujet en se rendant dans les concerts. « Pour autant, il existe encore des endroits où des choses se disent », assure l’universitaire en citant Bernard Lavilliers et … Zebda ! Elle pense enfin au rap, une musique désormais loin d’être cantonnée à « une seule génération ou une seule catégorie sociale ». Médine, avec sa récente « Don’t Laïk » dénonçant un « laïcisme » synonyme d’exclusion, ou Kery James, auteur d’une « Lettre à la République » en 2012 -sans parler des « lyrics tonitruant » d’IAM- apparaissent ainsi comme les meilleurs « héritiers » du chanteur d’Aragon, estime la sociologue. « Aujourd’hui, les rappeurs balancent des choses souvent intéressantes », remarque aussi Cali, l’un des rares chanteurs militants de la scène actuelle. La particularité du rap, « c’est d’avoir les mains dans la réalité des quartiers populaires, c’est-à-dire dans les endroits les plus sinistrés du point de vue économique et social », explique Ekoué, membre du groupe de hip-hop La Rumeur, dont les textes évoquent notamment l’immigration et les relations entre la France et ses ex-colonies.

Dés lors, Columbia/Sony aurait était bien inspiré d’inviter le hip-hop à la table du fameux album-hommage.

La Marseillaise, le 27 février 2015

« Sur les Traces de nos pas »

le 27 février 2015

« Sur les Traces de nos pas »
Théâtre du Merlan
Avenue Raimu
13014 - Marseille

Vendredi 13 mars à 14h30 et à 21h

Le verfügbag aux enfers de Germaine Tillion

le 26 février 2015

Roquefort-La-Bédoule. Une expérience d’ampleur

le 24 février 2015

Roquefort-La-Bédoule. Une expérience d’ampleur

Forte affluence pour le film « Les Réquisitions de Marseille ».

La soirée articulée autour de du film de Luc Joulé et Sébastien Jousse Les Réquisitions de Marseille  a été suivie d’un débat avec deux anciens résistants communistes Jean Arghittu et Charles Bianchéri.

Cette soirée organisée par le Carrefour citoyen au cercle des travailleurs, vendredi dernier, a permis à nos deux vaillants nonagénaires de participer de manière active à ce travail de mémoire.

De nombreux Bédoulens et résidents des communes voisines se sont retrouvés autour de ces deux témoins exceptionnels et de Colette Drogoz, de l’association Provence Mémoire Monde ouvrier, pour se replonger dans l’après libération et son « bouillonnement social et populaire ».

Première expérience sociale inspirée du programme du CNR

Après une brève allocution de bienvenue du Président du Carrefour citoyen, place a été laissée à la narration cinématographique de la première expérience sociale inspirée du programme du Conseil National de la Résistance (CNR) qui préconisait l’instauration d’une « véritable démocratie économique et sociale ».

C’est le 10 septembre 1944 que Raymond Aubrac, commissaire général de la République, en accord avec le syndicat CGT, signa l’ordre de réquisition des Aciéries du Nord (ADN), spécialisées dans la réparation des locomotives à vapeur. L’assistance a pu découvrir l’extraordinaire aventure de ces ouvriers marseillais qui ont participé à la gestion de leur entreprise et qui ont inventé une forme de « gestion participative », un modèle démocratique de l’organisation du travail dans l’entreprise.  Le directeur, nommé avec l’aval de la CGT et des ouvriers, était assisté d’un comité consultatif de gestion composé de représentants du personnel -un ingénieur, un technicien, un ouvrier- et de représentants des actionnaires. Directeurs, cadres, ouvriers vivaient en parfaite harmonie. Chacun y trouvait son compte.

Ouvriers, cadres, ingénieurs et techniciens réunis

Les avancées sociales furent nombreuses : logements sociaux pour le personnel, retraite, sécurité sociale et mutuelle. « Il y avait une volonté de reconstruire le pays en donnant toute sa place au peuple », indiquait un ancien responsable du PCF. Cette expérience de gestion ouvrière, « Les soviets de Marseille » pour le patronat, fut stoppée par un arrêté du Conseil d’État de juillet 1947 et par la loi du 3 septembre de la même année. Loi rédigée par un gouvernement dominé par la SFIO. C’était le temps de la guerre froide, et les communistes n’étaient plus au gouvernement. L’État fut obligé de restituer aux actionnaires des 15 entreprises marseillaises réquisitionnées 600 millions de francs de bénéfices.

« Le problème, c’est que nous avions fait la démonstration que, ouvriers, cadres, ingénieurs et techniciens réunis pouvaient travailler ensemble sans barrières et mener une entreprise aussi bien que les patrons », confie dans le film Albert Fabre un ancien des ADN, aujourd’hui décédé.

Le débat qui a suivi a permis d’échanger sur la valeur du travail, le pouvoir dans l’entreprise, de la finalité de l’économie et de la substitution au profit, la notion de service.

La Marseillaise, le 24 février 2015

Gardanne. Les combattants de l’ombre au grand jour

le 24 février 2015

Gardanne. Les combattants de l’ombre au grand jour

Une commémoration a eu lieu sur l’avenue Manouchian.

Le Maire Roger Meï et le Conseiller général Claude Jorda ont salué, comme de coutume le 21 février, la mémoire de ceux qui ont été exécutés il y a 71 ans au Mont Valérien, « "les combattants de l’ombre" qui ont risqué ou sacrifié leur vie durant l’Occupation », a déclaré Claude Jorda sur l’avenue qui porte le nom du Groupe Manouchian, « un symbole fort, la démonstration de la capacité de chacun à s’unir, au-delà des nationalités et des confessions religieuses autour d’une cause commune ». Le Groupe était composé de 23 jeunes francs-tireurs et partisans de la main d’œuvre immigrée, 8 Polonais, 5 Italiens, 3 Hongrois, 2 Arméniens, un Espagnol. Neuf étaient juifs.

« Vingt-trois étaient communistes ou sympathisants. 23 étaient résistants et avaient en commun le courage de combattre le nazisme, la haine et pour défendre les idéaux de démocratie, de liberté et de paix. 22 ont été exécutés par les nazis avec l’aide des autorités françaises collaborationnistes, le 21 février 1944 au Mont Valérien, la seule femme du Groupe, Olga Bancic, ayant été décapitée le 10 mai 1944 en Allemagne », rappelle Claude Jorda. Un triste décompte qui aujourd’hui plus que jamais, marque la nécessité de résister face aux barbaries qui perdurent : « A la lumière des tragiques événements qui nous ont frappés en France ou au Danemark, il est indispensable dans ce monde confronté à la violence, au fanatisme, aux guerres, de transmettre les valeurs essentielles de tolérance, de fraternité, de respect de l’autre, garants de la liberté, de la démocratie et de la paix », a conclu l’élu.

La Marseillaise, le 24 février 2015

La Grande Guerre 1914. Les « anges blancs »

le 22 février 2015

La Grande Guerre 1914. Les « anges blancs »

Les religieuses ont constitué le premier personnel féminin des hôpitaux. Les premières infirmières travaillent  « sous l’autorité des “cornettes” », réduites « au rôle de domestiques ». Ce « sont le plus souvent des filles de la campagne issues de milieux très modestes, venues en ville pour trouver un gagne-pain »(1).

Puis, la Croix-Rouge recrute des filles de bonnes familles et les forme. Enfin, les écoles de l’Assistance publique, gratuites, recruteront des filles du peuple, d’où le peu de crédit que leur accordent les médecins.

Le déclenchement de la guerre montre le manque d’infirmières. Trois associations dépendant de la Croix-Rouge –la Société de secours aux blessés militaires, l’Union des femmes de France et l’Association des dames françaises –forment les volontaires. Elles seront bientôt 100.000– 30.000 salariées et 70.000 bénévoles.

Parmi ces bénévoles, Lucia Tichadou, jeune enseignante à l’Ecole normale d’Aix-en-Provence, en vacances en Champagne lorsqu’éclate la guerre. Elle s’engage et tiendra jusqu’en octobre 1914, un journal qui décrit l’horreur d’un hôpital improvisé.

« Les choses les plus horribles me paraissent en ce moment normales, ou plutôt je n’ai plus la conscience qu’elles sont horribles. Je panse chaque jour des plaies dont la seule vue m’aurait fait m’évanouir il y a un an. J’ai dans mon service cinq visages dont il ne reste plus ni nez, ni langue, ni dents, ni menton et des moitiés de joue. Il faut toutes les demi-heures laver tout cela à l’eau oxygénée.(…)

A l’hôpital, un charnier, vingt cadavres se renouvellent à l’amphithéâtre. On les emmène à la charretée, couverts de paille, le temps manque pour faire des cercueils. Nous sommes passés ambulance d’avant et ne recevons que ce qui ne peut se transporter. Mal installés. Des paillasses et des matelas entre les lits. Il faudrait évacuer quelques jours pour une désinfection totale. La gangrène gazeuse se propage, gagne de lit à lit.

Impossible pourtant de refuser un lit pour mourir à ces pauvres diables qui ont seulement quelques heures devant eux. Les visages se succèdent dans les lits, on n’a même plus le temps de les reconnaître. On déshabille, on panse, on ferme les yeux, un drap sur le visage, le lugubre colis, et puis des draps propres pour une autre misère. J’ai eu la même nuit six morts dans ma salle. Quelques-uns, un peu moins atteints se cramponnent à la vie. En sauver au moins quelques-uns… »

Des blessés sont atteints du tétanos : « J’ai peur de ces yeux qui me suivent, qui attendent de moi un secours. Je ne puis plus rien faire, rien, pas même le gâter comme les autres ; si je veux soigner les autres et leur éviter la contagion, je dois l’approcher le moins possible. Le docteur me défend de toucher les pansements. Il (…) m’appelle, m’implore de le changer, se voit délaissé, se désespère, me demande dans combien d’heures il sera mort.

Je lui assure que “ce sont les nerfs”, qu’il ira mieux demain. Je voudrais le trouver mort demain matin, lui éviter les souffrances dernières, les horribles contractures, l’impression d’enlisement qui fait de cette maladie la plus épouvantable à voir et à subir. Ce pauvre petit, il a 23 ans, on lui en donnerait 40.(…)

Moralement, je suis maintenant vaccinée contre la crainte de l’accident, le mouvement de recul instinctif à la vue du sang, la peur de la maladie et de la mort. Il me semble que tous les évènements malheureux me trouveront prête. J’aurai vu le pire. »

Lucia devra rejoindre son poste. Dans le train, elle ressent « l’impression pénible de trouver la nature impassible. Je m’étonne qu’il reste des arbres habillés dans leur splendeur d’automne ; on arrache les pommes de terre, on laboure et le blé poussera dans la terre fumée du sang de nos chers petits »(2).

Redevenue enseignante, elle soignera des blessés, jusqu’à la fin de la guerre, durant ses jours de repos.

Lucia Tichadou sera, à la Libération, 1ère Adjointe au Maire communiste de Marseille, Jean Cristofol.

Le rôle des infirmières

On surnommera ces infirmières les « anges blancs ». Sans doute une connotation religieuse : l’infirmière incarne l’abnégation et apparait comme un ange. Elles vont montrer un grand dévouement, soignant les corps et les âmes.

Seule présence féminine dans un monde d’hommes, elles apparaissent comme un rayon de soleil à ceux qui reviennent de l’enfer et ont même oublié ce qu’étaient un lit et des draps.

Elles travaillent initialement dans un hôpital, mais les transports étant longs et dangereux, on crée des hôpitaux de proximité, sous des tentes au plus près du front. Elles aident l’action des médecins qui opèrent sur le champ de bataille, tout en consolant le blessé. Près de 10 % d’entre elles perdront la vie.

On comptera trois millions de blessés côté français – la moitié le seront deux fois ou plus. A ceux-là s’ajoutent les victimes de maladies graves : typhus, tuberculose ou choléra.

Les conditions d’hygiène sont peu propices à la guérison. Les moyens manquent, comme le matériel et les médicaments. Et il aura fallu des mois pour vaincre beaucoup de réticences : accorder à des femmes le droit de conduire une ambulance ou laisser Marie Curie créer un service radiologique pour les zones de combats.

En 1918, beaucoup des « anges blancs » sont remerciés. Mais la guerre a accéléré la mutation de l’hôpital. La IIIe République essayait de laïciser la fonction d’infirmière. Avec les progrès de la médecine et les découvertes de Pasteur, l’hôpital ne pouvait plus être un asile où l’assistance aux miséreux primait sur les soins.

La guerre a permis un renouvellement social de la profession offrant un débouché aux femmes de condition moyenne.

Un décret de 1921 fixe les modalités d’apprentissage et institue un diplôme d’État : l’infirmière –hier religieuse ou fille riche faisant œuvre charitable– devient une auxiliaire médicale salariée.

Récit Raymond Bizot (La Marseillaise, le 22 février 2015)

(1) E. Morin-Rotureau, 1914-1918 : combats de femmes, 2004
(2) Lucia Tichadou, Infirmière en 1914, 2014

Manouchian. Toujours à l’affiche

le 22 février 2015

Manouchian. Toujours à l’affiche

Les anciens combattants, élus et personnalités ainsi que la JAF ont honoré la mémoire du commandant FTP-MOI. Le transfert des cendres de tous ces résistants au Panthéon est souhaité.

Des drapeaux d’anciens combattants, des discours d’élus et d’associations, des chants patriotiques, un air de jeunesse avec les scouts, chaque année, le buste de Missak Manouchian qui trône en bordure du boulevard Charles Livon est honoré par des élus et personnalités de la société civile, où beaucoup d’arméniens de Marseille se retrouvent. Encore plus fortement hier en raison d’une double profanation récente sur le visage de cette figure de la lutte contre l’oppresseur mais aussi en raison d’un contexte général devenu préoccupant, qui fait ressurgir la barbarie en terre de France.

Mais en préambule, Jean Paul Chiny, Président des anciens combattants juge indispensable de rappeler le centenaire du génocide arménien mais aussi le snes profond de cette célébration : Le groupe Manouchian qui était un groupe de MOI (main d’œuvre immigrée) était avant tout un groupe de résistants caractérisé par le refus d’un système : le facisme et le nazisme, le refus de se laisser réduire par la force. « La résistance est un choix individuel, né dans la révolte de sa conscience, c’est un engagement personnel, civique et politique à valeur universelle ». Et d’ajouter : « on retrouve dans la résistance tout le monde, toutes les classes sociales, toutes les religions et partis ».

A son tour, Gérard Vitalis, représentant la ville de Marseille, fait remarquer « qu’il ne faut pas oublier le message de ces résistants de la première heure qui ont permis de construire notre pays sur la richesse de toutes ses diversités », ce qui est un message indirect à la population marseillaise issue de cette diversité, d’où débarqua un jour le jeune Manouchian. Une figure devenue synonyme de courage exemplaire à tel point que Jean-Marc Coppola, Vice-Président du Conseil régional a écrit au Président de la République pour que celui-ci fasse transférer les cendres au Panthéon de Missak et ses 22 compagnons aux diverses nationalités  dont les noms ont été égrenés un par un avec un « mort pour la France ».

A ce témoignage, il faut ajouter ceux du Président de la JAF (Jeunesse Arménienne de France) Julien Harounyan qui résume en une citation l’utilité publique et symbolique d’une telle manifestation : « Celui qui ne connaît pas son histoire est condamné à la revivre ».

Effectivement, puisque tous les intervenants, y compris Gilbert Minassian, héros national en Arménie ont fait écho avec l’actualité récente, des tueries parisienne aux profanations de cette stèle  emblématique où les auteurs n’ont été condamnés qu’à des peines symboliques. « Il faut résister, combattre la peste brune et verte (le radicalisme musulman) il faut continuer le combat »

Une poignante Marseillaise ainsi que le chant des partisans ont retentit avant que chaque délégation d’anciens combattants ne soit saluée.

Stéphane Revel (La Marseillaise, le 22 février 2015)