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Robert Mencherini. « Les CE ont relancé le pays à la Libération »

le 29 mars 2015

Robert Mencherini. « Les CE ont relancé le pays à la Libération »

Spécialiste de la Résistance et de la Libération, l'historien revient sur la création des comités d'entreprise. Il sera jeudi matin sur le salon CE lors d'une table-ronde.

Historien connu pour ses travaux sur la Seconde guerre mondiale, Robert Mencherini s'est notamment penché sur l'histoire de la Résistance et la Libération. A partir de 1944, la société française qui se libère met en place des réformes du programme du Conseil national de la Résistance (CNR). Parmi elles, la création des Comités d'entreprise qui donnent plus de pouvoir aux travailleurs. « A Marseille et en Provence, ce mouvement se développe fortement », indique celui qui a signé un livre sur les réquisitions d'entreprises marseillaises en 1944 par les ouvriers. Robert Mencherini reviendra jeudi matin sur cette avancée majeure lors d'une table-ronde des Rencontres du dialogue social sur le thème « Comment une institution vieille de 70 ans peut-elle faire face aux défis du XXIe siècle ? ».

La Marseillaise. Dans quel contexte social et politique, les comités d’entreprise sont-ils créés ?

Robert Mencherini. Ils entrent en vigueur après les ordonnances de février 1945 partout en France. La création des comités d'entreprise est liée à l’existence des comités de gestion de la zone Sud qui avaient été instaurés après la Libération. A Marseille, on avait carrément assisté à des réquisitions d’entreprises par les travailleurs eux-mêmes.

La Marseillaise. Comment passe-t-on de ces comités de gestion ouvrière aux comités d’entreprise ?

Robert Mencherini. Le Ministre à la Production industrielle, Robert Lacoste, envoie un télégramme à Lucien Aubrac, le commissaire de la République à Marseille, pour lui dire que l’expérience des réquisitions allait s’arrêter puisque le gouvernement provisoire du général De Gaulle allait proposer ces comités. Les CE sont la suite du mouvement des comités de gestion.

La Marseillaise. Pour autant, ces nouveaux outils de démocratie sociale avaient déjà été prônés par les mouvements de résistance, dans la clandestinité.

Robert Mencherini. Tout à fait. C’était dans l’air du temps, dans le programme du Conseil national de la Résistance où était inscrite la notion de participation des travailleurs dans la gestion de l’entreprise.

La Marseillaise. Quelle a été la réaction des travailleurs au moment de l'instauration des CE ?

Robert Mencherini. Le mouvement ouvrier a été partagé. Dans la Vie ouvrière, l’organe de la CGT, des articles se disaient favorables tout en soulignant que cela pouvait rappeler les comités consultatifs de Vichy. Puisqu’il s’agissait bien de consultation, mais pas de gestion à proprement parler. Sur Marseille, par exemple, l’entreprise Coder était en cogestion. Mais les Aciéries du Nord, sur le port, étaient carrément gérées par les travailleurs. La différence aussi, c'est qu'il n’y avait pas de comités de gestion partout, alors que la loi de 1946 permettait d’installer des CE partout.

La Marseillaise. Quel rôle ont joué les CE dans la France à peine libérée ?

Robert Mencherini. Leur rôle a été décisif dans la bataille pour la production industrielle et la reconstruction du pays. De 1945 à 1947, le comité d'entreprise est perçu comme un outil de production et de redémarrage de l’économie. Chacun met ses compétences au service de la production. Après 1947, il va plutôt devenir un instrument revendicatif contre le patronat.

La Marseillaise. Beaucoup de membres des comités d’entreprise étaient des ouvriers, certains des résistants. Comment sont-ils devenus du jour au lendemain des représentants avec un droit de regard sur la gestion ?

Robert Mencherini. Le mouvement s’est formé au fur et à mesure. Ça ne s’improvise pas. Dans les comités de gestion antérieurs, les ouvriers s’étaient souvent appuyés sur des compétences existantes, d’ingénieurs par exemple. La tâche de ces nouveaux élus n’était pas facile car ils subissaient une pression permanente des patrons. Mais attention, ces travailleurs connaissaient eux aussi très bien leur entreprise. On ne leur faisait pas avaler n’importe quoi. De plus, ils ont pu s’appuyer sur une vague d’adhésion et un taux de syndicalisation très important, notamment à la CGT.

La Marseillaise. Alors qu'ils appellent à accélérer la production, cela signifie-t-il que les comités d'entreprise laissent de côté des problématiques qui sont aussi de leur ressort, comme la sécurité et les conditions de travail ?

Robert Mencherini. Non, au contraire. La sécurité au travail était déjà à cette époque un sujet à la pointe. Comme on poussait à la production, le nombre d’accidents de travail augmentait sensiblement. L’outil productif d’après-guerre était en mauvais état et les ouvriers se sont battus pour une amélioration des conditions de travail.

Propos recueillis par Sébastien Madau (La Marseillaise, le 29 mars 2015)

A lire la série en quatre volumes de Robert Mencherini intitulée « Midi rouge, ombres et lumières, une histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône », aux éditions Syllepse.

À savoir

Salon CE : 2 et 3 avril à Marseille. Le Salon CE se tient les jeudi 2 et vendredi 3 avril à Marseille au Parc Chanot (Hall 3). Le Salon est ouvert de 9h à 17h (parking gratuit). Plus de 140 exposants sont attendus pour cette édition 2015 spéciale coïncidant avec les 70 ans de la création des comités d’entreprise. Pour plus d’informations : www.salonce.com.

Les Rencontres du dialogue social. A l’occasion du Salon CE, se tiendront les Rencontres du dialogue social. Deux matinées de débats co-organisées par Salon CE et la Marseillaise en présence de syndicalistes, d'historiens, de chefs d'entreprise, etc. Jeudi 2 avril : 9h30-10h45 : « L'importance du CHSCT dans la vie de l'entreprise et des salariés » ; 11h-12h30 : « Comment une institution vieille de 70 ans peut-elle faire face aux défis du XXIe siècle ? » Vendredi 3 avril : 9h30-10h45 : « Le CE, une conquête sociale qui a fait ses preuves » ; 11h-12h30 : « Démocratie sociale et performance des entreprises peuvent-elles faire bon ménage ? » Toute l'actualité des intervenants, en savoir plus sur les rencontres et les suivre en direct, sur l'événement Facebook "les rencontres du dialogue social SalonsCE/la Marseillaise" et sur lamarseillaise.fr.

La Marseillaise, le 29 mars 2015

Roquefort-la-Bédoule. Le Maire absent de la cérémonie

le 21 mars 2015

Roquefort-la-Bédoule. Le Maire absent de la cérémonie

A l’appel de l’ARAC, des villageois ont commémoré le 53e anniversaire du cessez-le-feu en Algérie.

La commémoration du 19 mars, reconnue comme Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc par une loi validée par le Conseil Constitutionnel, a été célébrée ce jeudi à l’appel de la seule Association Républicaine des Anciens combattants (ARAC).

Ni le Maire, ni aucun autre membre de la majorité municipale, ni aucune autre association locale de même nature, n’a jugé opportun d’assister à cette cérémonie. Ils se retranchent derrière le décret signé par Jacques Chirac officialisant la date du 5 décembre comme journée nationale d’hommages aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie.

Ce choix n’a aucune valeur historique et ne fut qu’aléatoire. C’est pour cette raison que « l’ARAC se bat pour que seule la date du 19 mars soit retenue » a déclaré Gérard Fanti, un ancien d’Algérie, lors de la cérémonie.

A l’appel de Laurence Praire, la dynamique présidente du comité local de l’ARAC, adhérents de La Bédoule, de Cassis, sympathisants, élus de la liste de rassemblement citoyen, et militants du Front de Gauche se sont retrouvés au monument aux morts de La Bédoule pour rendre un hommage solennel aux victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combattants en Tunisie et au Maroc, et célébrer, non pas une défaite comme le prétendent certains, mais le premier pas de la paix entre deux peuples.

Tous dénoncent la provocation du Maire de Béziers, Robert Ménard, élu avec le soutien du FN, qui vient de rebaptiser la rue du 19 mars 1962 en lui donnant le nom d’un officier qui prit part au putsch d’Alger en 1962.

Cette commémoration doit exprimer une volonté d’apaisement et de réconciliation entre deux pays qui ont une longue histoire commune. « Le 19 mars 1962 fut le premier jour où le gouvernement français a été en accord avec l’article 14 de la constitution qui stipule que la république française n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple » a précisé Gérard Fanti. Et de rajouter « en ce 19 mars 2015, nous appelons le peuple de France à agir pour un monde de paix respectueux de tous les peuples, un monde solidaire gage nécessaire pour la survie de l’humanité ».

Un dépôt de gerbes et une minute de silence ont clôturé cette cérémonie. Tous les participants ont pu partager le verre de l’amitié au cercle républicain des travailleurs.

La Marseillaise, le 21 mars 2015

19 mars 1962. Une date historique devenue otage

le 19 mars 2015

19 mars 1962. Une date historique devenue otage

L’anniversaire des Accords d'Évian programmant la fin de la guerre d’Algérie reste un sujet de discorde. En période électorale, la droite l’utilise comme (très discutable) cheval de bataille.

Le 19 mars 1962, suite aux Accords d’Évian signés la veille, le cessez-le-feu est décrété sur tout le territoire algérien.

Ces accords mettent fin à près de huit ans d'une guerre qui a vu la France mobiliser 400.000 hommes et durant laquelle 250.000 à 400.000 Algériens auront été tués selon les chiffres les plus courus en France, et plus d’un million et demi selon l’État algérien. La France déplore 28.500 morts du côté des militaires, 30.000 à 90.000 Harkis, 4.000 à 6.000 chez les civils d’origine européenne, et environ 65.000 blessés.

Une tribune pour les politiciens

53 ans plus tard, on aurait pu espérer que les historiens des deux rives de la Méditerranée restent les derniers intervenants de ce triste épisode de l’époque coloniale et qu’ils se consacrent à leur travail de vérité dans la sérénité.

Las, la basse politicaille s’en mêle toujours, et comme le montre la dernière sortie médiatique du Maire de Béziers Robert Ménard, apparenté FN, avec toujours autant d’indélicatesse.

La loi votée en 2012 par les deux assemblées, désignant le 19 mars comme « journée nationale du souvenir des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie » n’a rien changé à l’affaire.

Et l’extrême droite n’est pas la seule responsable des détournements historiques liés, à des fins électorales, à la guerre d’Algérie.

Dans le Sud de la France, avec l’espoir de récolter les voix des milliers de rapatriés, c’est bien la droite traditionnelle qui a ouvert le feu.

Dès les années 70 et avec plus de vigueur encore à partir des années 80.

Ainsi a-t-on vu fleurir les monuments à la gloire des « victimes » de l’Algérie française un peu partout près des côtes de la Grande Bleue.

A Nice en 1973, Jacques Médecin ouvre le feu avec un « Mémorial des rapatriés ». Puis à Toulon Maurice Arreckx lui emboîte le pas en 1980 avec son monument aux « Martyrs de l’Algérie française. » Ensuite, sont érigés ceux de Perpignan (2003) ou Marignane (2005) sous la houlette d'un Maire d'extrême droite.

Le Maire FN de Toulon Jean-Marie Le Chevallier, en 2000, avait d’ailleurs joué une partition proche de celle de Ménard, en baptisant pour sa part un carrefour du nom de « Général Raoul Salan », jouant comme à Béziers sur la dualité des CV des « vedettes » honorées, à la fois anciens combattants de la France libre et putschistes d’Alger…

Mais pour la droite française en général, l’objet cible du détournement historique, plus d’un demi-siècle après la fin de la guerre d’Algérie, reste malgré tout les Accords d’Évian.

Hier encore, l’agence France presse en faisait état dans une dépêche fracassante : Patrick Buisson, ancien journaliste du titre d’extrême droite Minute, aurait conseillé, pendant la campagne présidentielle de 2012, à Nicolas Sarkozy de dénoncer les fameux accords. Sans aucun doute pour flatter une partie de l’électorat d’extrême droite.

On saura dans les jours prochains quelle ampleur pourra prendre ce début d’info dans le contexte venimeux de la campagne électorale en cours.

Mais rien n’incite vraiment à l’optimisme, en ce jour anniversaire décidément particulier. Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 ne fait toujours pas rimer la fin d’une guerre avec la réconciliation.

Claude Gauthier (La Marseillaise, le 19 mars 2015)

Vérité

La manière dont la droite et l’extrême droite ravivent sans cesse les douleurs du passé est autant irresponsable que dangereuse. Oui, la date du 19 mars 1962 revêt une réelle signification historique.

Elle est la date symbole d’un cessez-le-feu décrété par deux forces adverses en guerre depuis 8 ans. Deux forces, la coloniale et la colonisée, qui, sans effacer les rancoeurs, décidaient de créer les conditions pour mettre fin à un bain de sang et à une guerre perdue d’avance pour la France.

Bien évidemment, les Accords d’Évian ne signifient pas la fin en soi de la guerre. Des exactions, de part et d’autre, se sont produites après le 19 mars 1962. La question du rapatriement des Pieds-noirs et du traitement infligé aux Harkis (autant par les autorités algériennes que françaises) reste un traumatisme. Il ne s’agit pas de le nier.

Mais une chose est certaine, la signature des Accords d’Évian a permis au peuple algérien de gagner son indépendance, d’être seul maître de son destin, et responsable de ses avancées et de ses erreurs.

L’enjeu actuel est de réussir à ce que Français et Algériens puissent entrevoir un avenir basé sur le respect mutuel.

Avec la Méditerranée comme bien commun.

Sébastien Madau (La Marseillaise, le 19 mars 2015)

la Marseillaise engagée de la première heure

Parce qu'elle a toujours puisé ses principes dans son héritage des années sombres de l'Occupation, La Marseillaise s'est toujours positionnée en faveur des droits des peuples à s'émanciper. Lors des guerres coloniales françaises (Indochine, Algérie…), notre journal en a payé un lourd tribut. Mais n'a jamais cédé.

Durant les années 1954-1962, La Marseillaise a dû subir à plusieurs reprises les saisies et censures de la Préfecture de l'époque obéissant aux ordres de l'État. Ses prises de position en faveur de l'indépendance du peuple algérien étant jugée démobilisatrices et anti-françaises.

Malgré les risques, La Marseillaise a été d'une grande aide pour les forces progressistes et indépendantistes. Nos imprimeurs, qui avaient contribué à fonder La Marseillaise, ne comptaient pas leurs heures pour tirer à plusieurs reprises des exemplaires de l'Alger républicain, le quotidien algérien défendant l'indépendance et interdit par le pouvoir colonial français. Le journaliste puis directeur du journal algérien et militant communiste Henri Alleg a toujours salué l'engagement de notre titre pour la cause du peuple algérien.

Quand ce n'était pas le pouvoir du haut, c'était les ultras de l'OAS qui tentaient de prendre d'assaut les locaux et agresser son personnel pour se payer les rouges. Jamais, disons-bien jamais, ils n'ont réussi à arriver à leur fin. Y compris quand ils ont plastiqué notre agence locale d'Arles.

A chaque fois, ils ont eu à se frotter au personnel, aux lecteurs, aux militants communistes et cégétistes qui ont gardé les lieux jour et nuit.

Se réjouir à la Une en mars du cessez-le-feu et en juillet suivant de l'Indépendance résume bien l'engagement d'un journal pour les valeurs de liberté et de justice. C'est cela aussi l'histoire de la Marseillaise.

La Marseillaise, le 19 mars 2015

Les éditions Delga viennent de publier « La grande aventure d’Alger Républicain » de Henri Alleg, Abdelhamid Benzine et Boualem Khalfa. 17 euros.

Roquefort-la-Bédoule. Une commémoration boudée par la droite

le 15 mars 2015

Roquefort-la-Bédoule. Une commémoration boudée par la droite

La fin des hostilités en Algérie célébrée le 19 mars.

Il y a 53 ans, le 18 mars 1962, Pierre Joxe, représentant la France, et Karim Belkacem, pour le gouvernement provisoire de la République algérienne, signaient les accords d’Evian qui devaient mettre un terme, le lendemain à 12h précises, à un long conflit meurtrier pour les deux communautés, européenne et algérienne.

La loi N° 2012-1361 du 6 décembre 2012 a instauré, après dix années de blocage par le Sénat alors majoritairement de droite, chaque 19 mars, journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

Sans valeur historique

Le Maire a refusé de participer aux cérémonies commémoratives de 2013 et de 2014 et en fera de même cette année provoquant ainsi la colère du comité local de l’Association républicaine des anciens combattants (Arac). En 2013, à une question écrite déposée par Gérard Fanti alors Conseiller municipal d’opposition, il a justifié son refus par le fait qu’il y eut après cette date 155.000 victimes et qu’une défaite de la France ne se célèbre pas.

A Roquefort-la-Bédoule, seul le 5 décembre, reconnue par décret présidentiel du 26 septembre 2003, journée nationale d’hommages aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie, est commémoré.

L’Arac, pour sa part, demande au Maire de prendre exemple sur celui d’Aubagne, du même bord politique, qui présidera, cette année, la cérémonie officielle de commémoration de la fin de la guerre d’Algérie. Elle tient à préciser qu’elle n’exclut pas la reconnaissance de ce qui s’est passé après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu et que celui-ci n’a jamais été une défaite mais une victoire, celle d’un premier pas de la paix entre deux peuples.

Pour Laurence Praire, Présidente du comité local de l’Arac, « le 19 mars est la véritable date de cessation des actes de guerre. Comme chaque année nous appelons adhérents, sympathisants et tout le peuple de gauche à se rassembler jeudi prochain à 18h devant le monument aux morts pour rendre hommage à tous ceux qui sont tombés pendant ce conflit ». L’association est favorable à l’abrogation du décret signé par Jacques Chirac estimant que la date du 5 décembre ne correspond à aucun événement historique.

La Marseillaise, le 15 mars 2015

Guerre 14/18. La Patrie non-reconnaissante

le 15 mars 2015

Guerre 14/18. La Patrie non-reconnaissante

Avec l’Armistice les femmes sont renvoyées dans leurs foyers : on assiste à des licenciements massifs. Pour les autorités, elles doivent reprendre leur ancienne vie et en particulier repeupler un pays.

Durant la première guerre mondiale, les femmes ont fait tourner l’économie. Selon le général Joffre : « Si les femmes qui travaillent dans les usines s’arrêtaient de travailler 20 minutes, les alliés perdraient la guerre ». De son côté, Louis Barthou affirme : « Les hommes se souviendront : ils feront à la femme dans la paix, par esprit de justice, la place qu’elle s’est faite dans la guerre, par esprit de sacrifice ».

Au nom de l’effort de guerre, elles sont surexploitées : les horaires augmentent, les salaires baissent et les prix flambent. Et, dans ce climat de paupérisation, des profits énormes sont réalisés.

L’industrie de guerre est florissante, les entreprises tournent à plein régime et s’agrandissent. Renault, en fabriquant des chars et des obus porte ses effectifs de 4.000 à 22.000 personnes. Peugeot, Scheider, Panhard… fabriquent des armes. L’usine Citroën est créée en 1915 ce but.

Dans les usines d’armement, les munitionnettes s’épuisent dans les fumées toxiques, avec les accidents dus aux machines ou aux explosifs et un nombre de morts élevé.

Un médecin de la commission d’hygiène industrielle, Marcel Frois, a poussé ce coup de gueule : « Elle est morte au printemps dernier… Elle travailla des mois, toujours paisible, toujours attentive, toujours ponctuelle, dans la grande manufacture d’État où les individualités s’effacent… Aussi longtemps que ses forces durèrent… on vit petit à petit son visage s’amaigrir, son front devenir plus pâle et luisant, ses pommettes saillir davantage et s’aviver d’un reflet de fièvre. Elle avait travaillé tant qu’elle avait pu, jour et nuit, sans dire à personne ses souffrances : ni la toux qui la secouait dans la solitude de son grenier, ni la fièvre qui la dévorait et la faisait se dresser comme une folle sur son grabat. Et quel grabat ! Elle logeait en garni sous les toits, dans une mansarde infecte où se jouaient tous les vents, chez un tenancier de bas étage qui se gardait bien de montrer aux fonctionnaires du service d’hygiène où il entassait des pauvres filles honnêtes, tandis qu’il installait confortablement les autres dans les étages inférieurs… Victime ignorée de l’effroyable mêlée dont les âges frémiront, elle a souffert et elle est morte, elle aussi, pour que puisse triompher à jamais le règne de la justice, de la paix et de la liberté parmi les hommes qui viendront. Et si la glorieuse humilité ne répugnait pas à toute cette ostentation, elle mériterait qu’on érigeât sur sa tombe anonyme une simple pierre portant ces mots : “Bénédicte, vingt-deux ans. Morte pour la France” »(1).

Dès 1917, sur le front comme à l’arrière, on dénonce les profiteurs, ceux qui s’enrichissent honteusement. De nombreuses lettres de poilus contiennent ce genre de propos : si la guerre dure autant, c’est pour le profit des marchands de canons.

Le front est secoué par des mutineries et la chanson de Craonne qui se chante dans les tranchées s’en prend à « messieurs les gros » : « Tous les camarades sont enterrés là / Pour défendre les biens de ces messieurs-là. (…) Car c’est pour eux qu’on crève ». En temps de guerre, les revendications sont mises en veilleuse. 1917 marque le réveil de la contestation. Dès janvier, ce sont les munitionnettes ; en mai et juin, des grèves massives des blanchisseuses et couturières dans toutes les villes de France pour les salaires et les conditions de travail. Les revendications sont souvent satisfaites et le salaire féminin qui était inférieur de 50% à celui des hommes en 1914, ne l’est plus que de 20 % en 1917.

On compte plus de grèves en 1917 ou 1918 qu’en 1907 ou 1910 et de nombreuses grèves de femmes. Les féministes sont persuadées qu’ayant fait leurs preuves dans tous les domaines, des droits nouveaux seront accordés aux femmes, en particulier celui de voter.

Avec l’Armistice, au fur et à mesure de la démobilisation, les femmes sont renvoyées dans leurs foyers : on assiste à des licenciements massifs. Pour les autorités, elles doivent reprendre leur ancienne vie et en particulier repeupler un pays qui compte 1.700.000 morts.

La nation a-t-elle été reconnaissante pour la mobilisation et l’effort énorme accompli ? La réponse s’impose : non !

Dans une situation propice à l’émancipation, la guerre ayant donné une autonomie nouvelle aux femmes, un discours très réactionnaire émerge : la nécessité de repeupler le pays, l’éloge de la femme au foyer et des valeurs traditionnelles.

Avec le retour d’hommes meurtris désirant retrouver l’ancienne société, les femmes sont les victimes silencieuses et oubliées du conflit. Toutes leurs aspirations passent au second plan.

En Angleterre, Irlande, Danemark, Allemagne, Belgique, Pays Bas, aux  États-Unis… elles obtiennent le droit de vote. En France, au contraire, les partisans de la femme au foyer et les natalistes sont victorieux : en 1920, des lois réprimant l’incitation à la contraception et à l’avortement sont votées. Le discours officiel étouffe les velléités d’indépendance.

Les Françaises ne pourront voter qu’en 1945 et il leur faudra attendre 1965 pour pouvoir gérer leurs biens, ouvrir un compte en banque ou exercer une activité professionnelle sans l’autorisation de leur mari.

Les femmes occupant un emploi rémunéré ne sont pas plus nombreuses en 1921 qu’en 1911. On note une augmentation de postes dans les services publics et les administrations et l’accès à certaines responsabilités.

Des changements vestimentaires vont apparaître dans l’entre-deux-guerres, chez les plus jeunes et dans les milieux aisés : l’abandon du corset et de la robe longue, les cheveux courts, les bras nus… La mode qu’on appellera « la garçonne » montre le désir d’émancipation. Si la guerre n’a pas été une rupture, elle appelle une période de transition vers les évolutions à venir.

Récit Raymond Bizot (La Marseillaise, le 15 mars 2015)

(1) F. Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14, 2013.

La Ciotat. Une mémoire de rebelles

le 12 mars 2015

La Ciotat. Une mémoire de rebelles

Christian Bocconi vient d’éditer un livret biographique de la résistante Laurence Praire, rencontre avec les protagonistes de ce témoignage autour du travail de mémoire.

Le cercle de la Renaissance accueillait ce lundi, en prolongation de la journée des droits des femmes, la présentation de biographie de la résistante Laurence Praire, écrit par Christian Bocconi.

« Si cela ne tenait que de moi, je serai restée dans l’ombre… j’ai finalement accepté parce que cela pourrait aider d’autres camarades » concède du bout des lèvres Laurence Praire avant de convoquer une figure illustre de la résistance : « le témoignage est toujours un combat disait Germaine Tillion ».

A ses côtés, « Christian B. » -comme il est indiqué en toute fin de l’ouvrage- il n’y a aucune mention sur la première de couverture et il tient encore moins à apparaître à la lumière. « C’est une œuvre collective, il y a aussi la relecture, la mise en page… » met-il en avant comme autant de garde-fous. Et pourtant. Lire un ouvrage en apprend autant sur le biographe que sur le sujet. Et l’exposé auquel ont eu droit les auditeurs traduit bien l’intarissable « passion de l’histoire » qui anime l’auteur.

Recueillir les récits de la résistance populaire

« Je ne suis pas un historien, ni un écrivain, je suis un militant ! » insiste-t-il. « Je suis autodidacte. L’histoire est une passion » et elle remonte à loin, « avec mon père, le dimanche nous nous baladions à Marseille et nous faisions de l’Histoire, au moment du repas, à table lorsque nous discutions nous faisions de l’Histoire ». Une passion communiquée à ses deux fils qui ont étudié cette discipline à l’Université pour ensuite devenir respectivement journaliste et enseignant.

Les lancements de bateaux à La Ciotat, le communiste Jean Mailloulas, le premier Maire élu après la dernière guerre, son homologue George Romand, ou le résistant Étienne Brun sont passés sous sa plume. Et puis « il y a des copains qui disparaissent, il nous faut prendre ces témoignages. Quand l’un d’eux meurt, c’est une bibliothèque qui flambe ! » lance-t-il.

Pour son 40e anniversaire, l’Humanité avait appelé les lecteurs à faire leur récit de la résistance. « Le tout a été regroupé dans un livre intitulé "Les inconnus de la résistance", ce qui aide drôlement l’Histoire » note-t-il. « Au-delà des figures emblématiques de la Résistance, -dont on ferait parfois un culte de la personnalité sans le vouloir- il y a ces témoignages, ces histoires, ces récits de la résistance populaire, faite par des inconnus, constitués de petits gestes, des actes dont on a rien su ». Des récits parfois difficiles que Christian Bocconi livre avec un profond respect et beaucoup de pudeur. « Certains vivent encore avec la hantise de ce qu’ils ont vécu » en le passant sous silence…

Pour toutes les femmes qui disent « non »

Laurence Praire a décidé par militantisme de témoigner publiquement, de son rôle comme agent de liaison, de son arrestation en 1941 après que son réseau ait été donné à la police de Vichy et de ces années d’emprisonnement, tout en mettant l’accent sur « l’entraide et la solidarité » qui lui ont permis de survivre aux pires conditions d’enfermement.

La résistante se verra décernée le 26 avril prochain, lors d’une cérémonie à Roquevaire l’insigne de chevalier de la Légion d’Honneur, la récipiendaire n’a posé qu’une seule condition : « qu’à travers moi soient mises à l’honneur toutes les femmes qui ont dit "non" au nazisme, au fascisme, à la xénophobie et au racisme ».

La Marseillaise, le 12 mars 2015

De l’impression à la diffusion, biographie de Laurence Praire, agent de liaison par Christian Bocconi. Pour tout renseignement, cercle de la Renaissance, avenue Gallièni. Tel. 04 42 08 44 86.

« Gilberto Bosquès, un Consul mexicain à Marseille»

le 11 mars 2015

Auditorium de la Maison de la Région
61, La Canebière
13001 - Marseille
Métro Noailles (L2), Tramway T2 arrêt Noailles

Jeudi 12 mars à 19h30

Conférence de Robert Mencherini, historien, membre du conseil scientifique de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et éducation.

Consul du Mexique à Marseille durant la Seconde Guerre mondiale, Gilberto Bosquès sauva des milliers de républicains espagnols, des antifascistes et des juifs européens, notamment en leur délivrant des visas.

À 19 h, vernissage de l’exposition sur les étrangers antifascistes 1940-44 - du 12 au 17 mars inclus.

L’exposition présente des documents issus de l’ouvrage Des étrangers antifascistes à Marseille, 1940-1944, sous la direction de Robert Mencherini (2014, éd. Gaussen).

Un recueil de documents et de témoignages inédits sur la résistance au fascisme et au nazisme en Provence pendant la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette période, les étrangers antifascistes, antinazis et républicains chassés de leur pays par les dictatures furent très nombreux en Provence et à Marseille. Beaucoup parmi eux jouèrent un rôle non négligeable dans la lutte contre l'occupant. Tous ont trouvé en Gilberto Bosquès (1892-1995), consul du Mexique en France et vétéran de la révolution mexicaine, un appui indéfectible. L'ouvrage, qui fait suite à une journée organisée en 2013 aux Archives départementales des Bouches-du- Rhône dans le cadre du colloque « La culture de l'Europe en exil, Marseille, 1940-1944 », présente quatre cas emblématiques, dont ceux des filles de Gilberto Bosquès.

Conférence en partenariat avec l'Université populaire républicaine.

Guerre 14/18. Les munitionnettes

le 08 mars 2015

Guerre 14/18. Les munitionnettes

En 1914, l'armement de l'artillerie française montre sa faiblesse. Une production massive d’obus est nécessaire mais, la mise en place des usines de guerre est lente. Dès 1915 on recrute donc massivement des femmes.

Août 1914 montre l’infériorité de l’artillerie française. Une production massive d’obus est nécessaire mais, la mise en place des usines de guerre est lente.

On utilise toute la main d’œuvre disponible, jusqu’aux mutilés et prisonniers de guerre mais surtout, des ouvriers mobilisés rappelés.

La production étant toujours insuffisante, à partir de 1915, on recrute massivement des femmes. Elles seront très nombreuses à fabriquer obus, cartouches, grenades et fusées, ce qui leur vaudra le surnom de « munitionnettes ».

Elles viennent des secteurs traditionnels de l’activité féminine, comme le textile et l’habillement qui connaissent le chômage. Les ouvrières glissent vers la métallurgie et la chimie : elles vont faire tourner, depuis l’arrière, la machine de guerre.

« Une circulaire du 20 juillet 1916 recommande leur emploi pour certaines opérations et l’impose pour d’autres, ainsi l’emboutissage, le dégrossissage, l’ogivage, la trempe, le finissage, le ceinturage des obus de 75 et 120. On les trouve même à la soudure autogène »(1).

Beaucoup d’usines de mécanique se reconvertissent dans la production de guerre. En 1918, l’armement compte 1.600.000 personnes, dont 440.000 femmes. Elles représentent 60 % du personnel de Citroën, 29% chez Renault qui employait 190 femmes en 1914 et 6.770 en 1918.

Aristide Briand visite l’usine Citroën en février 1918 : « Cette immense usine, réglée, installée à l’américaine, a surgi de la guerre. C’est une ville. Quinze mille ouvriers et ouvrières ; quarante mille obus par jour. Dans un seul atelier immense, six mille femmes manient (…) d’énormes instruments d’acier. » L’armement adopte  l’organisation du travail instaurée par Henry Ford : la production parcellarisée, le travail à la chaîne avec des gestes sans cesse répétés.

Dans les poudreries, des cantonnements ont été improvisés : dortoirs et réfectoires. Selon un médecin de la commission d’hygiène industrielle, ces baraques « ne répondirent pas aux règles élémentaires d’hygiène, constitués par de simples cloisons en bois insuffisantes pour préserver contre les intempéries des saisons ; les châssis pour les lits étaient placés à même le sol ; il n’était pas rare de voir 2 ou 3 occupants dans le même lit et de voir 2 châssis placés l’un au-dessus de l’autre ; et très souvent il n’y avait aucun meuble pour les vêtements, pas le moindre lavabo, une simple fontaine dans le voisinage et une ou plusieurs tinettes comme water-closets »(1).

Dans les usines, « Il n’y a plus ni droit ouvrier ni lois sociales, il n’y a plus que la guerre, disait Millerand, ministre de la Guerre ; oubliés le repos hebdomadaire, la journée de dix heures ou l’interdiction du travail de nuit aux femmes. Ce travail de force, les ouvrières l’accomplissent de nuit comme de jour par équipes tournantes, pendant onze ou douze heures, avec au plus deux jours de repos par mois »(1).

Comme sont suspendues, dès 1915, les lois relatives à l’insalubrité des locaux industriels. Les munitionnettes travaillent dans les gaz et fumées toxiques, au contact de produits corrosifs. Elles utilisent des machines coupantes sans gants et ne sont pas équipées de tenues spéciales.

Sur une carte postale écrite le 31 décembre 1915. Un ouvrier requis présente ses vœux à ses copains : « que la paix vienne vite et que je retourne travailler parmi vous. (…) Je vous dirai qu’ici il ne fait pas trop bon à travailler. On vous donne 4 francs par jour, puis cela commence à venir comme en caserne. Celui qui est pris en train de parler avec un camarade ou qui manque sans motif, ou bien qui se lave les mains avant l’heure est puni de consigne qu’il faut faire le dimanche que l’on est de repos. Et voilà comme cela se passe dans les usines de la guerre. » Ces conditions sont celles de la fin 1915. Il faut imaginer qu’elles vont empirer, que les ouvrières seront plus mal loties et que la journée pourra atteindre 14 heures.

La journaliste Marcelle Capy décrit l’univers des munitionnettes : « L’ouvrière, toujours debout, saisit l’obus, le porte sur l’appareil dont elle soulève la partie supérieure. L’engin en place, elle abaisse cette partie, vérifie les dimensions (c’est le but de l’opération), relève la cloche, prend l’obus et le dépose à gauche. Chaque obus pèse 7 kilos. En temps de production normale, 2.500 obus passent en onze heures entre ses mains. Comme elle doit soulever deux fois chaque engin, elle soupèse en un jour 35.000 kilos. (…) Femmes de vingt ans, femmes de trente ans, jolis visages, frêles silhouettes, mamans… (…) Pour préserver leur vie et celles des leurs, elles donnent chaque jour la fleur de leur jeunesse, la fleur de leur santé. (…) Ne dites jamais que les ouvrières d’usine sont des privilégiées. Dites-vous comme je me dis à cette heure : il faut vraiment avoir faim pour faire ce métier. Que de courage ! Que d’effort et de misère ! »(2)

Un journal de l’époque rapporte : « Parfois, dominant le bruit, on entend un cri aigu. C’est une ouvrière qui vient d’avoir la main prise dans un engrenage ou une autre qui a eu le doigt tranché par une scie perfide. Ces accidents-là ne se comptent plus… »

En principe, la rémunération du travail aux pièces doit être identique pour tous, quel que soit l’âge ou le sexe. Le patronat a trouvé une parade : il a dû adapter les machines à la taille et la force d’une femme. Des frais qui justifient, selon lui, que la même pièce soit payée 40 % de moins pour les femmes.

Les conditions de travail sont bien plus difficiles que dans les autres industries mais, les salaires y sont plus élevés. Beaucoup d’ouvrières font un va-et-vient entre deux entreprises : deux à quatre mois à l’armement, jusqu’à la limite de l’épuisement puis un séjour dans une autre usine et ainsi de suite…

Récit de Raymond Bizot (La Marseillaise, le 8 mars 2015)

(1) F. Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14, 2013
(2) La Voix des femmes, décembre 1917

Mémoire. « Faire plus que ce qui nous est possible »

le 03 mars 2015

Mémoire. « Faire plus que ce qui nous est possible »

A la Maison de la Région, la Fondation du Camp des Milles, dirigée par Alain Chouraqui, présente une remarquable exposition sur ce lieu de détention et de déportation des Juifs. Et au-delà.

Beaucoup plus qu’un devoir de mémoire. C’est l’ambition de la très émouvante exposition, inaugurée hier à la Maison de la Région. par Gaëlle Lenfant, Vice-Présidente du Conseil régional à la jeunesse, la solidarité et à la lutte contre les discriminations et par Alain Chouraqui, Président de la Fondation Camp des Milles.

« Mémoire pour demain » au-delà de l’évocation de ce sinistre lieu de détention et de déportation qu’est le camp de la région d’Aix-en-Provence, « entièrement dirigé par des Français », rappelait Gaëlle Lenfant, se veut en effet, un appel à la vigilance. Car les tragédies d’hier peuvent se reproduire aujourd’hui. Sous d’autres formes et sous d’autres masques, mais porteuses du même obscurantisme et de la même volonté d’autoritarisme. Les événements qui ont secoué la France au début du mois de janvier en sont une preuve sanglante, comme ils ont montré aussi « l’attachement de notre peuple à la démocratie et à la République ».

Des mécanismes récurrents, la tentation d’accords tactiques

Cette exposition conçue 70 ans après la libération des camps et du 100e anniversaire du génocide arménien, prend donc aujourd’hui une dimension des plus actuelles.  Les crimes perpétrés contre des journalistes, des citoyens de confession juive, musulmane ou des policiers de la République ont « mis en évidence que les leçons de l’histoire sur le fanatisme, le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie sont de toute actualité, déplorait Alain Chouraqui. L’histoire nous apprend que les mécanismes humains qui ont mené au pire, sont récurrents, répétitifs. Mais aujourd’hui, nous savons ce qui s’est passé. Nous n’avons pas d’excuse pour ne pas prétendre voir que ces mécanismes sont déjà en marche ».

Ne pas se voiler la face donc, car des engrenages, des emballements sont à craindre. « Il a suffi par le passé de quelques mois et il n’a pas été nécessaire qu’une majorité y adhère. Hitler n’a-t-il pas été élu avec 34% des voix ?  Des accords tactiques avec des forces qui croient pouvoir apaiser le diable sont toujours possibles ».

La capacité de résister

Mais l’histoire a montré aussi la formidable capacité de résistance des citoyens. « Cette résistance a été possible, dans les pires moments de l’histoire et elle a montré à quel point elle pouvait être efficace ».

Dans une démocratie prise en tenaille par les divers extrêmismes, nationalistes, religieux, cette exposition qui s’adresse avant tout à la jeunesse, prend tout son sens. Elle est un appel à la résistance. « Quand ils virent le Camp des Milles, les jeunes se rendent bien compte de ce que sont réellement les préjugés, les soumissions aveugles à l’autorité. Alors il est temps que chacun d’entre nous fasse plus que ce qui est possible ».

Gérard Lanux (La Marseillaise, le 3 mars 2015)

Pour prolonger l’exposition

Autour de cette exposition, durant cette première semaine, de nombreux événements sont proposés aux Marseillais.

Aujourd’hui, à 19h, l’Hôtel de Région offre un récital de « musiques interdites » avec des oeuvres de compositeurs annihilés par le troisième Reich. Le quintette pour piano d’Eric Wolfgang Korngold et celui avec ténor de Pavel Haas, génie précoce gazé en 1944 à Auschwitz.

Le mercredi 4 mars, à l’auditorium de la Maison de la Région, c’est le film « Opération sultan Marseille », de Jean-Pierre Carlon, qui évoque les rafles dans la cité phocéenne en janvier 1943. « Ce film met en exergue la nature de la collaboration d’Etat, son rôle, son influence sur le cours de l’histoire et sa responsabilité dans les faits. La projection sera suivie d’un débat ».

Toujours à l’auditorium de la Maison de la Région, le jeudi 5 mars, à 19h, projection du film « J’ai rêvé d’Arménie », évocation du souvenir et du devenir des Français d’origine arménienne « qui tentent de trouver un équilibre entre leur histoire douloureuse et le besoin impérieux de se projeter vers le futur ».

Le vendredi 6 mars, à l’auditorium de la Maison de la Région, c’est le film « Des intégrations ordinaires » qui sera présenté au public de 14h à 16h30. L’itinéraire malheureux d’une jeune femme d’origine étrangère en quête de reconnaissance.

Enfin, pour clôre cette semaine, en partenariat avec l’association Femmes d’ici et d’ailleurs, un défilé de costumes « Entre traditions et modernités ». Trois modèles de costumes, juif, arménien et rwandais sont à l’honneur.

D’autres manifestations se dérouleront jusqu’au 31 mars.

La Marseillaise, le 3 mars 2015

De la montée des périls aux génocides

Formidable leçon d’histoire que cette exposition qui ne s’arrête pas aux portes du Camp des Milles. Comme l’a voulu Bernard Mossé, responsable des contenus culturels de la Fondation, elle est avant tout « un appel à tirer les leçons universelles de cette période noire ». « Cette exposition a eu comme point de départ un partenariat avec le Conseil régional Paca, qui voulait en faire une manifestation itinérante en direction des collégiens et lycéens de toute la région ».

Après un rappel historique des conséquences de la première guerre mondiale, la chute des empires russes, austro-hongrois et ottoman, qui conduisit au génocide arménien, après une évocation de la crise économique et sociale internationale, la montée des régimes autoritaires, non démocratiques dans la plupart des régions d’Europe, c’est dans l’antichambre de l’horreur que nous plonge cette exposition : Le camp des Milles, lieu de détention des étrangers puis de déportation des Juifs et des Tziganes vers Drancy, Auschwitz… Un camp créé et dirigé par des Français. Enrichi par de nombreux témoignages audio-visuels de celles et de ceux qui purent en réchapper, cette exposition présente aussi de nombreux documents qui font froid dans le dos. Rapports de police, registres de la Préfecture où sont consignées les arrestations, les mises en détention… Preuves évidentes d’un gouvernement français bien décidé à aller au-delà des demandes des Allemands.

Autre volet de ce voyage dans le temps, les gravures, peintures, dessins de nombreux artistes qui furent internés au Camp des Milles. Ferdinand Springer, Léo Marschutz, Hans Bellmer, Max Ernst. De ce dernier, ces simples mots écrits en 1939 : « Camp de rassemblement. Chère Jeaninie, SOS, Max ». Enfin l’exposition s’achève par le rappel des génocides arméniens et rwandais. Et par une invitation à la réflexion autour du racisme et de l’antisémitisme.

La Marseillaise, le 3 mars 2015

Maison de la Région, 61, la Canebière, 13001 - Marseille : jusqu’au 31 mars.

Soutien à La Marseillaise. « Nous appelons à une immense mobilisation populaire pour le pluralisme ! »

le 02 mars 2015

Soutien à La Marseillaise. « Nous appelons à une immense  mobilisation populaire pour le pluralisme ! »

Les Amis de la Marseillaise ont fait étape hier aux Pennes-Mirabeau pour un concert de solidarité. La verve rebelle de Brassens interprété par Dominique Lamour pour soutenir le titre.

Brassens interprété par Dominique Lamour pour un spectacle de soutien à La Marseillaise, salle Tino Rossi aux Pennes-Mirabeau cela fait sens. Et pour la petite histoire, cela même écho au 18 février 1970 quand « Tonton Georges » en personne était reçu avec tous les honneurs au siège de la rédaction du journal.

« C’est un concert pour des salariés en lutte et c’est un vrai élan de solidarité enthousiaste qui s’est créé pour aider les 208 salariés mais aussi pour sauvegarder la ligne éditoriale du journal », présente Luc Claudet, Vice-Président de l’association les Amis de La Marseillaise qui remue ciel et terre pour lever encore, à 15 jours du rendez-vous judiciaire, de nouveaux soutiens, des dons, et encore des abonnements sur les six départements de diffusion du titre menacé. « Oui, La Marseillaise doit continuer à vivre parce que ce n’est pas un journal comme les autres ! »

« C’est une bataille pour défendre le pluralisme de la presse. Depuis trois mois on s’époumone. Vos mots de soutien tapissent les murs de la rédaction », lui succède Serge Baroni, l’infatigable Président des Amis de La Marseillaise. Dans le public, ont pris place les habitants de la commune, le Sénateur-Maire Michel Amiel, Claude Jorda, Conseiller général, des salariés du quotidien, des confrères d’autres médias. « Nous mesurons tout le travail militant que vous menez depuis déjà quinze ans pour le journal, un travail opiniâtre et bénévole. Vos mots de soutien nous vont droit au coeur. Nous y sommes très sensibles », remercie vivement le journaliste de La Marseillaise Léo Purguette. « Dans ce malheur qui nous arrive », ajoute-t- il, « le Ravi et Marsactu nous ont rejoints, ce qui nous fait penser à une série noire. Nous appelons à une immense mobilisation populaire pour défendre le pluralisme de la presse. » « Depuis que ce journal a été fondé dans la clandestinité par des résistants, c’est un vrai journal fait par de vrais journalistes et de vrais professionnels qui sont menacés aujourd’hui », précise-t-il en réaction aux termes méprisants employés par le Figaro. « On n’est pas le canard laquais du capital. On est le journal de la justice sociale et du mouvement populaire ! », leur répond Léo qui appelle tout le monde à être très massivement présent à la soirée de soutien le 12 mars aux Docks des Suds avec Bernard Lavilliers, Jo Corbeau en tête solidaire d’affiche. Tous les artistes s’y produiront gratuitement. L’intégralité de la vente des billets sera remise à l’association des amis de La Marseillaise.

David Coquille (La Marseillaise, le 2 mars 2015)

Pour adresser vos dons : Les Amis de La Marseillaise, 84 bis, Vieille route de la Gavotte, 13170 Les Pennes-Mirabeau, pourquevillelamarseillaise.com.