Collectif culture du PCF

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14e arr. de Marseille. Le pari de l’intelligence contre l’obscurantisme

le 23 février 2016

14e arr. de Marseille. Le pari de l’intelligence contre l’obscurantisme

La Busserine. L’Espace culturel de cette cité, menacé de fermeture, a engagé une partie de bras de fer contre le Maire FN Stéphane Ravier. Celui-ci se heurte à une résistance d’envergure des citoyens.

Si Stéphane Ravier avait cru faire passer en catimini sa décision d’en finir avec l’Espace culturel de la Busserine et de programmer sa fermeture qu’il voudrait définitive, il aura fait preuve d’une incroyable méconnaissance de l’esprit de résistance des Marseillais. Il aura dans la foulée réussi cet exploit, après à peine plus d’un an d’exercice, de dresser sur sa route habitants de la cité, artistes, dont la renommée de certains dépasse les frontières de son univers étriqué, syndicalistes et politiques. Un bel exemple de convergence des luttes.

Un lieu dédié au « faire ensemble »

Plus de deux-cent cinquante personnes ont en effet répondu hier à l’appel des animateurs de l’Espace culturel de la Busserine, dans le 14e arrondissement de la cité phocéenne, et se sont rassemblés au centre de l'Agora. Le temps d’une réunion d’information pour rendre compte devant l’opinion publique de cette tentative de coup de force contre un lieu emblématique du « faire ensemble », qui a permis, outre l’accès à la culture de milliers d’enfants et de jeunes de la cité et bien au-delà des quartiers Nord, l’éclosion d’une pépinière de talents. Beaucoup d’entre eux sont venus exprimer leur reconnaissance au travail des animateurs de cet Espace. « Pour nous avoir ouvert des portes sur un monde qui nous était inconnu », confiera Samira, une jeune habitante de la cité qui y a fait ses premiers pas de danse. Sans même penser qu’un jour elle aurait l’occasion d’exprimer son talent dans une troupe semi-professionnelle. Très proche de Samira, l’écrivain pourtant confirmé, musicien, dessinateur, réalisateur Philippe Carrese, qui dira avec infiniment d’humilité et d’émotion qu’il était venu ce soir « pour dire merci aux animateurs de ce lieu » de lui avoir permis de réaliser deux de ses « plus beaux projets ».

Résistance syndicale et politique

Autre hommage, celui des syndicalistes de la CGT, de l’Unsa et de la FSU. D’autres appels à la résistance encore, dans les propos de Sébastien Fournier (FSU) qui témoignait de l’incroyable apport que représentait « le partenariat de l’Espace culturel et des enseignants ». Du bonheur de voir « 4.000 enfants par an avoir accès ou être acteurs de spectacles de qualité. J’en garde à jamais dans ma mémoire ce souvenir d’un enfant qui repeindrait son quartier en couleurs ». Et Catherine Lecoq (CGT) de souligner que « ce lieu était un des rares à permettre aux artistes de travailler dans des conditions dignes, avec un vrai plateau et de vrais professionnels ». Pas dupe, comme chacun hier soir de la volonté de Stéphane Ravier d’imposer sa vision de la culture, un savant mélange de « médiévales », de thés dansants ou de folklore provençal, cette artiste pleinement engagée dans le com- bat syndical appelait « à boycotter le programme culturel de M. Ravier ».

Sans qu’il en ait peut-être mesuré les conséquences, les décisions du Maire de secteur ont créé une belle unanimité des citoyens pour gagner le pari de l’intelligence contre l’obscurantisme. Et parmi les animateurs de l’Espace culturel de la Busserine, pas un ne s’est senti à l’aise dans la salle qui leur a été réservée à la Bastide Saint-Joseph, autrement dit la Mairie, où le « propriétaire des lieux » pensait les tenir en laisse.

Mauvais calcul. Alors que les travaux de rénovation du centre ne sont programmés qu’en 2017, personne n’envisage sérieusement de quitter les lieux.

Gérard Lanux (La Marseillaise, le 23 février 2016)

Le Maire des 13/14 mène la danse

« Celui qui paie l’orchestre doit pouvoir choisir la musique. » La formule répétée à l’envi, et hier encore, est du Maire de secteur frontiste, Stéphane Ravier. Des déclarations sans ambiguïté et qui ne surprennent pas vraiment si on se souvient que l’ad- joint délégué à la culture et à l’identité (sic) des 13/14 a déjà tenté l’an dernier de refuser un spectacle sur la guerre d’Algérie et une résidence d’artistes. Dans un premier temps, l’élu FN s’était un peu caché derrière la volonté de la Mairie centrale. « Il n’y a qu’un seul Maire qui a fermé un espace culturel ici, c’est le Maire de Marseille, ce n’est pas moi », répondait-il lors du Conseil municipal du 8 février dernier, après avoir été interpellé par le Président du Groupe PS, Stéphane Mari. Et d’indiquer qu’il avait finalement appris par un coup de téléphone que les travaux de mise aux normes du lieu étaient renvoyés fin 2016, début 2017. « Nous avons géré comme il se devait, en faisant savoir que les agents seraient accueillis à la bastide et qu’il y aurait des travaux pour cela », avait-il aussi précisé. Le manque de moyens était aussi imputé à la Ville qui avait réduit les budgets, Stéphane Ravier annonçant privilégier « les enfants et les séniors ». Ce dernier aurait enfoncé le clou hier proposant que le centre culturel de la Busserine se consacre au jeune public uniquement. Le maire serait également à la recherche d’un lieu pour les séances hors les murs.

Myriam Guillaume (La Marseillaise, le 23 février 2016)

Port-de-Bouc. « 1.336 jours de lutte féconde »

le 23 février 2016

Port-de-Bouc. « 1.336 jours de lutte féconde »

Projection-débat. Claude Hirsch présente son film demain au Méliès de Port-de-Bouc. Une soirée, qui fait suite à celle d’Aix, en présence d’ex-Fralibs, témoins d’une résistance inédite, saluée.

Il est conseillé d’attendre la dernière minute post-générique, avant d’applaudir à l’issue de la projection délectable du second documentaire de Claude Hirsch 1.336, des hauts, débats mais debout. Une ex-Fralib, Rim, anciennement opératrice, aujourd’hui ex-comptable, y résume, non sans émotion contagieuse : « On s’est quand même battu contre une multinationale… Mais en fait, on s’est battu contre le monde, parce qu’aujourd’hui le capital c’est le monde ! » Ajoutant : « Et nous, à Gémenos, si on peut faire quelque chose de bien pour ce monde et bien je suis partante ! »

Ce « bien », les anciens salariés d’Unilever ont assurément su le répandre, tout comme le documentariste qui les a suivis durant plus de deux années de lutte. Donnant à voir et vivre un second opus tout aussi porteur que le premier Pot de fer, lequel relatait les débuts du long combat des salariés des Thés Éléphant pour survivre au trust Unilever, à l’annonce de la fermeture de « son » usine.

Un combat qui a déjoué les tours

Une lutte victorieuse pour la cinquantaine d’ouvriers irréductibles qui ont, envers et contre tout, su relever le défi du travail contre le profit d’une multinationale en échec, y compris dans ses tentatives ultimes de récupération des salariés en les monnayant : « Olivier [ex-Fralib, aujourd’hui directeur général de la Scop-TI] a refusé le chèque de 300 000 euros qu’Unilever lui a tendu pour arrêter le projet de Scop », précise Claude Hirsch, au Café 3C, archi-comble qui accueillait, à Aix il y a peu, un public dynamisé à l’initiative des Amis du Monde Diplomatique et des Déconnomistes.

Car cette Société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions (Scop-TI) n’aurait jamais pu voir le jour sans la ténacité et le courage de ceux qui l’ont bâtie malgré les embûches, le découragement et les courtes nuits de sommeil. « Dès le début, explique Claude Hirsch, accompagné de Xavier Imbanon (ancien régleur Fralib, en poste au laboratoire de la Scop), les salariés ont voulu résister à la fermeture de l’usine en refusant la fatalité ».

Un chemin parcouru notamment « grâce au syndicat CGT », d’autant plus salutaire qu’aujourd’hui, la Scop-TI dotée d’un projet ambitieux, composée de 30 CDI, entend salarier les 20 bénévoles restants : « Il y a du travail pour tous. Notre ligne de conduite est de produire avant tout de la qualité à un prix proche de celui d’Unilever (3 euros). A l’inverse, on s’est débarrassé des saveurs chimiques pour préférer les naturelles », témoigne Xavier qui annonce : « On développe des tisanes bio avec du tilleul de Buis-les-Baronnies. »

Relançant, de fait, la filière locale « flinguée » jusque-là par Unilever qui importait son tilleul de Chine, la Scop-TI propose même un millésime. Avec une direction élue pour 3 ans, des produits en Bio-cop et supermarchés (Inter-marché, Maxi, Cofi, en ligne Houra), les produits 1336, qui s’imposent autant pour la saveur que le symbole, ont été à l’assaut des bourses ce soir-là. Claude Hirsch indiquant, suite à la rétractation récente d’une enseigne : « Si vous ne trouvez pas les produits, demandez aux direction des supermarchés pourquoi. Le client a ce droit »

Houda Benallal (La Marseillaise, le 23 février 2016)

13e et 14e arr. de Marseille. Un choix qui pourrait coûter cher au Maire de secteur

le 23 février 2016

13e et 14e arr. de Marseille. Un choix qui pourrait coûter cher au Maire de secteur

Les Oliviers. Le centre aéré de la cité A, vandalisé il y a plus d’un an, n’a toujours pas rouvert ses portes. Les habitants regrettent l’absence de ce lieu facteur de lien social.

Drôle de climat à la cité des Oliviers A. Un climat que l’on aurait pu attribuer au mistral glaçant qui s’infiltrait, en cette fin de semaine dernière, entre les immeubles d’une cité qui semble désertée de ses habitants. Seuls quelques enfants s’égaient comme ils le peuvent, en cette période vacances scolaires.

Au cœur du problème, ce jour- là, la situation du centre aéré aux portes définitivement closes, comme celles de tous les commerces attenants. Quant à cet espace très apprécié par les enfants de la cité, qui, pour la plupart, n’ont guère d’occasions de s’extraire de la grisaille de l’endroit qui semble leur coller à la peau, peu de chance qu’il retrouve un semblant d’activité.

Seul espace de liberté entre les murs de la cité

« Il y a à peu près un an ce centre a brûlé », déplore une habitante qui ne fait même pas mine de s’étonner de son abandon total et du fait qu’aucun projet de réfection ne soit dans les cartons de la Mairie actuelle. Et sa fille d’ajouter combien « elle regrette la fermeture de ce centre, seul espace de liberté » entre les murs de la cité. Plus de lieu pour les enfants, les adolescents -de familles très modestes pour la plupart- qui avaient là l’occasion de pratiquer des activités auxquelles ils n’auraient jamais eu accès.

Bien sûr, la dégradation de la cité ne date pas de l’accession de Stéphane Ravier à la tête de la mairie des 13e et 14e arrondissements. « Au fil des ans, nous avons assisté, impuissants, aux multiples actes de vandalisme qui ont conduit la totalité des commerçants à déserter les lieux. Le fleuriste, le boucher, le boulanger, la pharmacie », témoigne Simone qui atteste de presque 45 années de présence dans ces lieux. « C’était une cité agréable où il faisait bon vivre, presque la campagne. Vous pouvez voir de vos propres yeux ce que c’est devenu. » Pourtant Simone n’envisage pas de quitter les Oliviers A. « Des liens d’amitié très forts se sont tissés ici entre les habitants, quelle que soit leur nationalité. Et malgré les multiples actes de vandalisme que nous avons subis, ce lien social se maintenait, en partie grâce à l’existence de ce centre aéré où les enfants des uns et des autres se retrouvaient. Et même si le climat a changé, c’est encore vrai aujourd’hui ».

Personne cependant n’attend du nouveau maire et de son équipe qu’ils améliorent le quotidien des habitants. C’est que, depuis les élections municipales de 2014, personne n’a vraiment vu la nouvelle équipe traîner dans la cité. « Et le vote de désespoir qui avait conduit les citoyens à ouvrir les portes de la Mairie au Front national s’est vite transformé en un sentiment de dépit, confie Michel, membre du comité de vigilance contre le parti d’extrême-droite, certains se mordant même les doigts d’avoir voulu donner au gouvernement, plus qu’à l’ancien maire de secteur, plutôt apprécié, un avertissement qu’ils pensaient salutaires. Beaucoup se sont vite rendu compte qu’au temps de Garo Hovsepian, la cité des Oliviers n’était pas tout à fait ce lieu abandonné des élus qu’il est aujourd’hui ».

Et l’ancien Maire de secteur PS reconnaît que la cité s’est dégradée au fil des ans, sujette au vandalisme. « Mais en ce qui concerne ce lieu de lien social qu’étaient le centre d’animation et le centre aéré, je me suis toujours attaché, malgré les difficultés budgétaires auxquelles la mairie était contrainte, à les maintenir contre vents et marées en état de fonctionnement. Convaincu que ces endroits restaient les dernières attaches du service public. Je me souviens même, qu’après des actes de vandalisme particulièrement graves, notre équipe avait réussi l’exploit de remettre tout en ordre et en état de fonctionnement en un seul week-end. » Et Simone de confirmer que l’ancien maire n’aurait pas maintenu fermé le local d’une association également saccagé qui abritait ponctuellement le Secours populaire pour le grand bénéfice des plus démunis habitants du quartier.

Gérard Lanux (La Marseillaise, le 23 février 2016)

Insidieux

S’il est une chose qu’on ne peut retirer au Maire frontiste des 13/14, c’est sa promptitude à saisir l’occasion. La Mairie de secteur ayant eu beau jeu de prendre pour prétexte les travaux de mise en conformité de l’espace de la Busserine afin de s’emparer de la question culturelle. Lentement mais sûrement, le Front national a bien compris l’importance de l’enjeu : mettre à mal trente ans de lien social, soigneusement tissé avec les habitants, afin de mieux asseoir encore son discours de tout sécuritaire et d’exclusion. « Le politique ne devrait pas se mêler de culture et la culture devrait rester à sa place en ne faisant pas de politique », martèle régulièrement Stéphane Ravier, convenant dans le même temps qu’il développerait « cette culture qui évoque nos racines ». Du tout et son contraire qui a un sens. Ce n’est pas un hasard si, en juin dernier, un collectif « Culture libertés et création » a été mis en place au sein du parti frontiste. Un temps grossièrement réactionnaire sur le sujet -on se souvient des portes du Sous-Marin carrément soudées voilà 18 ans à Vitrolles-, les élus FN tentent une approche que l’on se risquera à qualifier de plus « subtile », entre deux éructations contre une expo à la friche Belle de Mai. Laissant à l’UMP le soin d’interdire « La Marseillaise » à la médiathèque, le FN se contente de laisser se déliter les centres sociaux ou culturels, victimes de longues années sans moyens. Une façon de se dédouaner insidieusement de toute responsabilité avant d’imposer sa vision étriquée et dangereuse.

Mireille Roubaud (La Marseillaise, le 23 février 2016)

A savoir

Le Front de gauche exprime son total soutien. Les élus du Front de gauche à la mairie des 13/14, Marion Honde et Samy Johsua, ont réaffirmé leur volonté de « se battre pour continuer à exercer leur mission de service public culturel de proximité au profit des habitants du quartier. L’appui massif qui a été apporté au personnel de l’Espace culturel de la Busserine », souligne (...) l’importance de « la perpétuation des activités de ce lieu dans les meilleurs conditions possibles ». A la demande de ces élus du Front de gauche, « le Maire de secteur a engagé sa disponibilité à engager des discussions directes pour faire que cette nécessité devienne réalité. Ce qui n’a pas encore été fait ».

70.000 euros seraient investis au final par la Mairie des 13 et 14e arrondissements sur l’espace culturel Busserine et un hypothétique autre lieu dans le 13e contre 100.000 euros l’an dernier. Soit une baisse des dotations de 30% que la mairie de secteur impute à la Mairie centrale.

Frais Vallon dans la tourmente Le centre culturel de Frais Vallon (13e), lui aussi privé de subventions, a fermé ses portes. Ses animateurs n'entendent pas baisser les bras et vont soumettre à la population une pétition pour être soutenus dans leur volonté de poursuivre une action de proximité en direction des enfants des écoles et des collèges.

2.835 signatures ont été recueillies par la pétition lancée il y a trois semaines par le collectif Busserine contre la fermeture du centre culturel. La structure, fortement ancrée dans le quartier, a accueilli jusqu’à présent près de 7.000 spectateurs par an, dont 4.400 scolaires, pour environ 80 spectacles annuels.

La Marseillaise, le 23 février 2016

Pierre Boutan. « Les réformes datent du début de l'écriture »

le 22 février 2016

Pierre Boutan. « Les réformes datent du début de l'écriture »

Ce spécialiste des sciences du langage minimise les conséquences des modifications de l'orthographe dans les manuels scolaires. Il craint plus l'emploi non francisé des mots anglais. « Le français a une orthographe extrêmement complexe que personne ne maîtrise. »

Pierre Boutan est président de l'association des Amis de la mémoire pédagogique. Il est également membre associé de plusieurs équipes de recherche sur les questions de langue, notamment à l'université Paul-Valéry de Montpellier et à Paris VII.

La Marseillaise. Pourquoi toute réforme de l'orthographe crée-t-elle un tel débat ?

Pierre Boutan. Ce n'est pas sans rapport avec des arrière-pensées idéologiques et politiques qui consistent à dire que dans le domaine de l'éducation comme ailleurs, tout va de plus en plus mal. La moindre des initiatives est prise pour cible comme démontrant que le monde est en situation de désespoir. En l'occurrence, sur une échelle de 60 ans, y-a-t-il une dégradation des conditions de connaissance des petits Français ? Ma réponse est non. Il y a 60 ans, il y avait 12% d'une classe d'âge qui accédait au baccalauréat. Aujourd'hui nous en sommes à plus de 65%. On me racontera tout ce qu'on voudra, mais c'est intenable de dire qu'il y a une dégradation globale.

La Marseillaise. Que pensez-vous de la réforme actuelle ?

Pierre Boutan. Il n'y a pas de réforme. La Ministre a décidé de demander aux éditeurs de manuels scolaires d'appliquer une simplification qui date de 1990. Notre orthographe n'a malheureusement pas été l'objet de grandes réformes comme l'ont été l'espagnol, l'allemand et le russe au XVIIIe siècle, c'est-à-dire avant la généralisation de l'école. Le résultat est qu'on a sur les bras une orthographe extrêmement complexe que personne ne maîtrise. La preuve c'est qu'on fait des concours de dictée pour mettre en valeur ceux qui résistent à un certain nombre de difficultés de notre système orthographique. Cela n'existe dans aucune autre langue. Et cela se répercute dans les difficultés d'apprentissage.

La Marseillaise. On ne peut nier en effet que même des étudiants qui ont fait de longues études rendent des copies truffées de fautes d'orthographe...

Pierre Boutan. L'idée que dans les temps anciens, en général la jeunesse de ceux qui parlent, tout le monde maîtrisait l'orthographe est fausse. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu dans les vingt dernières années, une dégradation de la maîtrise de l'orthographe. Pour deux raisons. Pendant la période Sarkozy on a détruit la formation des maîtres et on a reculé sur la nécessité impérieuse que les maîtres du primaire aient les connaissances suffisantes pour changer leurs habitudes dans l'apprentissage de l'orthographe. Il faudrait qu'ils aient en plus de la formation initiale une formation continue. Il faudrait aussi qu'on sorte de l'idée selon laquelle un maître peut tout enseigner.

La Marseillaise. Cependant est-ce que, au lieu d'améliorer le système éducatif, on n'est pas en train de simplifier l'orthographe ?

Pierre Boutan. C'est qu'un des éléments d'amélioration du système est de réduire les difficultés de l'orthographe. Alors sur environ 100.000 mots les spécialistes ont accepté aux examens une graphie plus simple que la graphie actuellement reconnue pour 2.400 mots (ce qui est très peu).

La Marseillaise. Ceux qui emploieront l'ancienne graphie ne feront donc pas de faute ?

Pierre Boutan. Non sur toute une série de mots par exemple, il n'y aura plus besoin de trait d'union, mais l'ancienne graphie sera acceptée. Mais je note qu'il y a déjà d'innombrables mots qui ont perdu leur trait d'union.

La Marseillaise. Pour vous cette simplification n'a pas grande importance ?

Pierre Boutan. Elle cherche à réduire cet inconvénient majeur pour celui qui apprend le français, qu'est l'apprentissage de l'orthographe. Par exemple, on se passe d'accent circonflexe là où il ne permet pas de distinguer deux mots différents. En outre, il a été rajouté souvent à tort. Ce signe qui vient du Moyen- Age remplaçait le « s » qui n’avait plus de valeur sonore, mais on le conservait par souci de faire ressembler la langue au latin. Pendant des siècles on a considéré que le latin étant la plus belle des langues (avec le grec), puisque c'était celle des savants et de l'église, il fallait que le français ressemble au latin. Or le latin est tout à fait différent du français parce qu'il dispose d'un système de marque des relations dans la phrase, les déclinaisons, qui n'existe plus en français où il a été remplacé par l'ordre des mots. Le latin est donc une langue très étrangère au français.

La Marseillaise. L'accent circonflexe marque pourtant l'histoire, l'étymologie du mot.

Pierre Boutan. C'est beaucoup moins important que ce qui caractérise toute écriture européenne : rendre compte des sons. En français, 80% des signes rendent compte de sons. Dans les 20% qui restent il y a beaucoup d'autres indications sur les relations entre les mots, qui donnent du sens et d'autres qui ne donnent d'informations que sur l'histoire du mot.

La Marseillaise. Y-a-t-il déjà eu beaucoup de réformes de l'orthographe ?

Pierre Boutan. Oui il y en a depuis le début de l'écriture. Plus près de nous, en 1901, un décret a annoncé qu'il n'y aurait plus d'accord sur le participe passé, mais cela n'a duré qu'un an parce qu'il y a eu une offensive de toutes les forces réactionnaires, en particulier de l'Académie française qui a fait des progrès depuis. Institution qui d'ailleurs a cette particularité de ne plus avoir un seul linguiste depuis un siècle dans ses rangs.

La Marseillaise. En revanche, il n'y a aucune objection à ajouter des mots anglais dans la langue française ?

Pierre Boutan. Oui la pression de la langue dominante, qui n'est pas dominante par hasard, mais parce qu'elle est en rapport avec la domination économique, amène malheureusement à emprunter à l'anglais des mots sans les franciser, sans utiliser les modèles graphiques du français. Prenez week-end, Raymond Queneau l'écrivait il y a plus de cinquante ans ouikende.

La Marseillaise. Il y a déjà beaucoup de mots français qui viennent de langues étrangères ?

Pierre Boutan. Toute langue fonctionne avec des emprunts. Un dictionnaire étymologique est la preuve qu'une langue dépend entièrement des autres langues. Mais l'usage non francisé des termes anglais crée une situation très dangereuse du point de vue de la cohérence de l'écriture. Ce qui est étonnant c'est que toute une série de règles, mises en place notamment sur la langue de la publicité, ne sont pas appliquées, pas plus que la loi Toubon de 1984 qui pénalisait les entreprises qui n'utilisaient pas le français notamment dans les modes d'emploi.

La Marseillaise. Vous voulez dire que les modifications actuelles ne sont pas dangereuses pour le français alors que l'utilisation de l'anglais non francisé l’est ?

Pierre Boutan. Évidemment. C'est ce qui est le plus grave. Quand on écoute le vocabulaire de la mode, de la musique, de la publicité on s'aperçoit qu'une masse de mots sont importés de l'anglais sans francisation.

Propos recueillis par Annie Menras (La Marseillaise, le 22 février 2016)

Épuration. De l’enfermement des collabos à la Libération

le 22 février 2016

Épuration. De l’enfermement des collabos à la Libération

À la fin de la guerre, 25.000 personnes ont été internées dans les 16 centres de séjour surveillé de la région. Un chercheur a étudié ces lieux effacés de la mémoire. L’angle mort de la Libération.

L’histoire des camps de la Libération créés par le ministère de l’Intérieur pour y interner les collaborateurs et les personnes suspectées d’intelligence avec l’ennemi, n’avait jamais été complètement étudiée.

Dans un livre passionnant, Incarcérer les collaborateurs, centré sur les 16 centres de séjour surveillé (CSS) de la région de Marseille, Laurent Duguet, chercheur associé au centre de recherches interdisciplinaires en sciences humaines et sociales de l’université Paul-Valéry Montpellier, raconte l’organisation de ces camps, de leur implantation à leur dissolution fin 1945. Son ouvrage fouillé nous donne à voir le fonctionnement durant 17 mois de « ces camps éphémères qui n’étaient destinés à durer que le temps de traduire les suspects devant les cours de justice et les tribunaux militaires ».

« Au début, tout le monde arrête tout le monde »

Le lecteur pénètre de plain-pied dans la paillasse du centre de Gap le premier à ouvrir en août 1944, des baraquements de Sorgues, Saint-Mitre près d’Aix, Arles, Bandol et Reillanne. Il entre dans la forteresse de Saint-Vincent-les-Forts où l’on croisera l’écrivain Jean Giono. En Paca, 25.000 personnes, y ont transité, du vrai collaborateur au misérable dénoncé par un voisin. Durée moyenne d’internement : trois mois. La collaboration a été active dans le Sud de la France soumis à deux occupations, italienne et allemande. « Le nombre de personnes suspectes arrêtées est assez considérable à la Libération. Au début, l’armée, les gendarmes, les FTP, les FFI, le voisin, tout le monde arrête tout le monde », explique Laurent Duguet qui a interrogé l’ancien commissaire régional de la République à Marseille, Raymond Aubrac (décédé en 2012) et qui avait signé le 6 novembre 1944 un arrêté pour désengorger les prisons remplies de suspects. « On est surpris en lisant les rapports des préfectures qui se retrouvent avec un nombre incalculable de suspects dans les maisons d’arrêt mêlés aux détenus de droit commun. C’est un chaos que les Préfets tentent d’organiser le moins mal possible. »

Un sujet tabou ? « C’est intéressant de voir que ces camps ont complètement disparu de la mémoire collective. Le camp de Sorgues est aujourd’hui aménagé en maisons. Les habitants ignoraient qu’ils logeaient dans un ancien camp d’internement », note Laurent Duguet qui a comptabilisé, classé les populations jetées dans ce « déversoir des rancœurs masqués » mais qui fut aussi le refuge pour les personnes arrachées des prisons clandestines, sauvée d’une exécution sommaire. « Ils permirent que l’épuration sauvage des débuts ne prennent une tournure encore plus dramatique », dit-il.

« Les personnes arrêtées et internées dans les CSS ne doivent être l’objet d’aucune brimade ni de mauvais traitements. Il n’appartient pas au personnel de chercher à savoir si elles sont coupables ou non, ni d’apprécier le niveau de leur culpabilité », rappelait une directive. Car les CSS n’échappent pas aux trafics, dérives et bavures. « Ce qui m’intéressait, c’est de travailler sur les différents strates de populations, de nationalités détenues dans ces camps car on est loin du profil type du milicien », explique Laurent Duguet. « On y trouve des Italiens que l’on veut sauver de la vindicte populaire, des civils allemands laissés par l’armée américaine, des Alsaciens-Lorrains. Ce n’est qu’à la fin quand les commissions de tri et de vérification ont libéré ceux qui étaient détenus pour rien qu’on arrive enfin au gratin de la collaboration, ceux qui avaient fui en Suisse dans le sillon de Pétain et qu’on arrête en Italie, les SOL (Service d’ordre légionnaire de Darnand), les miliciens, les Waffens SS français de la division Charlemagne qu’on retrouve beaucoup dans le camp de Sorgues. »

Les camps, une tradition française

À Marseille, le centre qui ouvre en janvier 1945 dans la prison de la rue Saint-Pierre (siège depuis 1994 de l’AP-HM), là où la Gestapo enfermait juifs et résistants, se retrouve aussitôt avec 711 internés. « On y trouve des femmes en proportion importante, des Françaises arrêtées pour collaboration horizontale mais aussi des civiles allemandes et italiennes avec des enfants en bas-âge. Certaines sont là aussi sans reproche spécifique, juste laissées par l’armée US. On trouve aussi 209 mineurs allemands âgés de 14 à 18 ans. » L’auteur dresse le portrait des directeurs des centres, le plus souvent d’anciens résistants respectueux des droits, et parfois d’anciens geôliers de Vichy qui ont repris du service. Comme l’ancien chef de camp de tsiganes de Saliers, mis en place en 1942 par Pétain, qui est requis pour diriger le centre de Saint-Pierre…

On ne peut s’empêcher à sa lecture d’y voir un parallèle avec l’actualité. « J’ai trouvé délirant le discours de Laurent Wauquiez réclamant l’ouverture de camp d’internement pour terroristes », reconnaît l’auteur. « À la Libération, on est vraiment dans un vrai état de guerre quand on créé ces camps que l’on veut provisoire car l’obsession c’est le rétablissement de la légalité républicaine. Or le discours en- tendu est inverse. Il faut avouer que le camp d’internement, c’est une tradition assez française. Des camps de Vichy ou de la guerre d’Algérie, l’armature est la même. » Les jeunes allemands de Saint-Pierre ? « Ils ont été rapatriés en Allemagne par les Américains après dénazification. »

David Coquillé (La Marseillaise, le 22 février 2016)

« Incarcérer les collaborateurs, Dans les camps de la Libération, 1944- 1945. » Laurent Duguet, 320 pages. 2015. Vendémiaire.

Histoire populaire de la ville de Marseille. Promémo à « La Marseillaise »

le 22 février 2016

Au journal La Marseillaise
19, cours d’Estienne d’Orves
13001 - Marseille

Jeudi 25 février de 9h30 à 12h30

La Marseillaise et l’association Promémo projettent la publication aux Éditions de l’Atelier d’un livre illustré intitulé Marseille, une mémoire populaire, retraçant l’histoire populaire de la ville de Marseille à travers des documents photographiques et des témoignages personnels. Des chercheurs en histoire sociale marseillaise et du mouvement ouvrier provençal supervisent la collecte des documents et le choix de ceux qui seront publiés. À leur regard s’ajoutera celui du cinéaste Robert Guédiguian qui participera au choix des documents et signera le texte d’ouverture de l’ouvrage.

Des membres de l’association, Françoise Fontanelli, Raymond Bizot et Gérard Leidet, seront présents au journal afin de récolter des photos et des témoignages autour de l’histoire de Marseille populaire.

Contact : Gérard Leidet au 06.27.75.17.44 ou gerard.leidet@neuf.fr.

Université Populaire du Pays d’Aubagne. L'autonomie individuelle et sociale d'après Castoriadis (3)

le 22 février 2016

Lycée Joliot Curie
4, avenue des Goums
Aubagne

Mardi 22 mars à 19h

Conférence d'Annick Stevens.

Soirée organisée par l’Université Populaire du Pays d’Aubagne.

—> Revoir toutes les séances

Université Populaire du Pays d’Aubagne. L'autonomie individuelle et sociale d'après Castoriadis (2)

le 22 février 2016

Lycée Joliot Curie
4, avenue des Goums
Aubagne

Mardi 15 mars à 19h

Conférence d'Annick Stevens.

Soirée organisée par l’Université Populaire du Pays d’Aubagne.

—> Revoir toutes les séances

Université Populaire du Pays d’Aubagne. L'autonomie individuelle et sociale d'après Castoriadis (1)

le 22 février 2016

Lycée Joliot Curie
4, avenue des Goums
Aubagne

Mardi 8 mars à 19h

Conférence d'Annick Stevens.

Soirée organisée par l’Université Populaire du Pays d’Aubagne.

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Université Populaire du Pays d’Aubagne. Regards sur la classe ouvrière aux 19è et 20è siècles

le 22 février 2016

Lycée Joliot Curie
4, avenue des Goums
Aubagne

Mardi 1er mars à 19h

Conférence de Stéphane Rio. Insoumission et résistance du 19ème siècle à aujourd'hui (1/3)

La classe ouvrière a charrié bien des représentations depuis le 19è siècle. De la classe laborieuse et  dangereuse porteuse de tous les vices, à la classe révolutionnaire parée de toutes les qualités de vertu et de probité, écrivains, intellectuels, hommes politiques et journalistes ont construit un grand nombre de représentations véhiculant fantasmes et idéalisation.

Soirée organisée par l’Université Populaire du Pays d’Aubagne.

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