Collectif culture du PCF

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Fatima Ezzahra Benomar, militante à Osez Le Féminisme

 
 
 
 

Femmes et culture

Bonjour, je suis Fatima-Ezzahra de la commission féminisme du PG.

Quand on aime participer à beaucoup de débats, cette commission c’est la panacée : absolument toutes les thématiques sont concernées par les inégalités femmes-hommes ! J’avais envie de faire cette intervention car on a souvent l’impression que le milieu de la culture est à priori avant-gardiste, et que les artistes sont des personnes qui ont la passion d’interroger le monde, de bousculer la société et ses représentations. Alors c’est vrai, le monde artistique est à l’avant garde sur beaucoup de sujets, mais sur la question de la place ou la perception des femmes et des hommes dans la société, il y a encore un petit chemin à faire. Je vais vous donner quelques morceaux choisis du rapport fait au ministère de la culture en 2009: Depuis 1997, 100% des spectacles au théâtre de l’Odéon à Paris ont été mis en scène par des hommes. En général 94 % des œuvres subventionnées que nous écoutons sont produites par des hommes. Il n’y a que trois directrices sur 42 de centres dramatiques nationaux. Je m’arrête là car dès qu’on commence à citer les chiffres de la domination masculine, ça risque de durer longtemps ! Évidemment ça s’explique par l’histoire : pendant de longs siècles, les femmes n’ont été valorisées dans l’art qu’en tant que muses ou qu’objets de représentation. Les hommes recevaient une éducation artistique dans des écoles et pouvaient se projeter dans une carrière. Les femmes étaient écartées ou interdites de ces lieux d’apprentissage : par exemple, l'École des Beaux-Arts n’a accepté des femmes dans ses rangs qu’à la fin du 19ème siècle. Pourtant, quelques femmes artistes ont réussi à faire carrière, mais leur œuvre a ou bien été condamnée à l’oubli comme Artemisia Gentileschi ou Rosa Bonheur, ou bien on les avait traité de folles et interné comme Sylvia Plath ou Virginia Woolf. Vous me direz, ça c’était dans un autre monde patriarcal enterré aujourd’hui, mais ça ne s’arrange pas au fil du temps : L’Orchestre philarmonique de Vienne, mondialement connu, n’a permis de recruter des musiciennes qu’en 1997.L'exposition Dyonysiac, en 2005 au Centre Pompidou, qui prétendait présenter de jeunes artistes prometteurs, ne comptait aucune œuvre de femme. Je vais finir avec ma passion qui est celle du cinéma. J’ai fait une école de cinéma, un art récent, et quand on me demandait de citer mes réalisateurs préférés, je ne citais que des hommes, ma cinéphilie était uniquement structurée autour de figures masculines. Et en même temps, le saviez-vous ? Ou plutôt l’aviez-vous remarqué ?Depuis sa création, seule une réalisatrice a gagné la palme d’or à Cannes, Jane Campion pour La leçon de piano, et le césar de la meilleure réalisatrice aussi, Tony Marshall pour Venus beauté institut. Depuis 66 ans, il n’y a eu que 9 présidentes de jury à Cannes. Enfin, le cinéma a tendance à être une éternelle projection du monde vu par l’homme, les femmes ont du mal à se reconnaître dans des protagonistes féminines qui sont pensées comme ces obscurs objets du désir, quand ce n’est pas le bout de chair sexy choisi dans les bandes annonces. Ça vous me direz, c’est les films commerciaux, c’est le mal, mais on a aussi affaire à l’auteur qui projette innocemment ses fantasmes sur ses personnages féminins en les déshabillant, pensant que c’est une démarche personnelle et non un réflexe culturel, sauf que ce qui se passe de l’autre côté de la production avec ce systématisme, c’est que beaucoup de comédiennes sont systématiquement invitées à se déshabiller dans des scènes où on se demande bien ce que leur nudité apporte, sinon à installer lanorme esthétique qu’une femme, au cinéma comme dans le tableau de Manet, ça se déshabille par défaut. Je vais finir en parlant du pouvoir, qui a quelques territoires privilégiés dans notre monde. Il y a le pouvoir de l’argent, mais là on n’est pas sorties de l’auberge puisque, selon l’ONU, 99% des richesses et capitaux sont entre les mains d’hommes. Ona le pouvoir politique, or en France il n’y a que 18,5% de députées à l’assemblée nationale. Enfin, il reste celui des représentations et de la culture qui n’est pas des moindres, parce qu’il a le pouvoir de déconstruire ou de réinventer les normes.Il faut donc toujours poser un regard subversif pour interroger toutes les formes de domination, même celles des hommes sur les femmes qui est souvent la plus négligée, peut-être parce que c’est la plus importante, la plus incrustée et la plus subversive. Je vous renvoie au très beau livre de Linda Nochlin en 1970 dans son livre «Femme, art et pouvoir».

 

Pendant de longs siècles, les femmes n’ont été valorisées dans l’art qu’en tant que muses ou qu’objets de représentation. Les hommes recevaient une éducation artistique dans des écoles et pouvaient se projeter dans une carrière. Les femmes étaient écartées ou interdites de ces lieux d’apprentissage : par exemple, l'École des Beaux-Arts n’a accepté des femmes dans ses rangs qu’à la fin du 19ème siècle.