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Marie-José Mondzain / Cigale n°7 - juillet 2010

La culture est la condition du politique

Interpeller les politiques sur la question de la culture, c’est non pas demander aux politiques d’avoir une meilleure politique culturelle, c’est rappeler aux politiques qu’ils ne pourront exister en tant que tels, en tant que “politiques”, que s’ils accompagnent positivement tout ce qui concerne la culture. Je veux dire que je fais de la culture, non pas un enjeu qui dépendrait des choix politiques, mais une condition de possibilité de la vie politique ellemême. Il est vrai que, comme nous sommes dominés par un pouvoir qui menace profondément la culture, on a tendance à exiger de ce pouvoir-là, qui semble être un pouvoir politique, de mieux traiter la culture, d’avoir une meilleure “politique culturelle”.Or c’est faire une erreur sur ce qui se passe véritablement : la domination que nous subissons aujourd’hui est précisément engagée dans un processus d’effondrement et d’effacement de la vie politique, et d’effacement de ses conditions. Si ces attaquessont intentionnellement dirigées contre la culture, c’est pour mieux entamer la vie politique, pour y substituer uniquement une vie du pouvoir, de la domination capitaliste et financière sur toutes les activités. Dans les textes qui régissent la mondialisation (…), tout ce qui concerne l’éducation et la vie culturelle et artistique a été réduit à un “service commercial”, à une marchandise qui va circuler selon les mêmes règles de concurrence, de profit et de mercantilisation que n’importe quelle autre marchandise (c’est valable aussi pour la santé, la justice et l’environnement, mais là nous parlons de culture) : cela s’est fait lors des accords de l’AGCS et bien avant, en réduisant tout geste de culture et d’éducation (…). Défendre la culture, ce n’est pas lutter contre une “politique culturelle”, c’est lutter contre l’effondrement du politique.

Pourquoi la culture est-elle condition de la vie politique ? Parce qu’elle est la condition même du débat, de la circulation de la parole, de la circulation des opinions, des jugements. Elle est ce qui règle la vie des conflits. Elle est ce qui donne sa chance à la création, à l’invention, donc au changement. Il ne peut y avoir de vie politique que si nos forces de transformation sont non seulement indemnes et sauves, mais vivantes et radicalement soutenues sur le plan financier bien sûr, parce qu’un budget détermine les possibilités d’agir des artistes, des penseurs, des professeurs…, mais aussi pour faire vraiment geste politique de leur pratique de création ou d’enseignement. Ce sont donc des choix budgétaires. Mais ces choix budgétaires doivent être issus non pas d’une décision financière, mais de choix politiques. Ces choix politiques sont des choix de société, des choix de vie, des choix par lesquels se déterminent ou non l’égalité et la liberté de tous les acteurs. C’est-à-dire de tous, au même titre, avec les mêmes droits. Défendre la culture c’est donc défendre les conditions même de possibilité d’accès à la citoyenneté, à la liberté, à l’égalité, à travers les gestes de la pensée et de la création.

Marie-José Mondzain est philosophe, directrice de recherche au CNRS.

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Marie-José Mondzain / Cigale n°7 - juillet 2010

Les deux textes de Marie-José Mondzain et Roland Gori, sont la transcription de larges extraits des entretiens vidéo réalisés par Samuel Wahl, à l’occasion de la soirée IMPOSSIBLE ABSENCE, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, le 31 mai 2010, à l’initiative de la revue Cassandre. On peut en retrouver l’intégralité sur www.horschamp.org.

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