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Roland Gori / Cigale n°7 - juillet 2010

Qu’est-ce que c’est, finalement, que l’art, sous une forme ou sous une autre ? Sous forme narrative, plastique, cinématographique…,l’art, qu’est-ce que c’est ? C’est le moyen qu’a trouvé un homme et une femme pour raconter à un autre homme son rêve, par lequel il révèle et constitue à la fois sa réalité intérieure, sa réalité psychique.Finalement, l’art est un ensemble de choses apparemment inutiles, pour pouvoir penser.

C’est une folie — au sens fort du terme, presque psychopathologique — de notre société actuelle que de considérer que ce qui ne rapporte pas, ne compte pas, est inutile, et n’a donc par conséquent aucune conséquence sur les autres activités. Pour faire très vite, si vous supprimez l’activité mythique, si vous supprimez l’activité rituelle, pour toute une partie de nos civilisations — il n’y a pas que la civilisation néolibérale —, vous supprimez l’agriculture, vous supprimez la science, vous supprimez en quelque sorte les activités humaines.

C’est une particularité, pourrait-on dire, de la modernité, que d’avoir dissocié la pensée mythique de la pensée calculatrice, de la pensée technique ou de la pensée économique. Je crois qu’on n’a pas pris la mesure de ce en quoi, justement, ces pensées soi-disant de l’inutile sont essentielles pour les activités les plus utilitaires. Rien ne nous dit en effet que si un écolier a plaisir à raconter un roman qu’il a fabriqué, qu’il a inventé dans une narration, dans une rédaction, à son petit copain ou à sa petite copine, rien ne dit que ça n’a pas de conséquences dans l’apprentissage même du calcul, des mathématiques ou de la chimie.

Si vous voulez, l’expérience du psychanalyste c’est plutôt de concevoir que ces pensées, apparemment inutiles sont essentielles, comme “denrées mentales” de la pensée la plus utilitaire, la plus technique, la plus scientifique. Et je crois que c’est une des grandes folies des réformes universitaires que de faire, justement, l’impasse sur les pensées “mythopoïétiques” comme essentielles même, pourrait-on dire, à la construction scientifique du monde.Voyez Léonard de Vinci : on voit bien comment ses recherches sur la physique des fluides les plus extraordinaires se sont retrouvées dans les ondulations de la chevelure de la Vierge de l’Annonciation.

Par conséquent, il y a manifestement, pourrait-on dire, une “correspondance” au sens baudelairien du terme, entre des découvertes scientifiques et l’acte de création, dans la peinture par exemple. Et c’est une folie de notre temps que de penser qu’on peut séparer les choses et que ce qui compte, c’est d’abord la physique des fluides, la pensée technique, et qu’on ne perçoit pas que l’acte même de peindre des “Annonciation”, l’acte même de Léonard de Vinci en peinture va aussi participer à un travail intérieur qui va favoriser ses découvertes scientifiques, les appareils et les drôles de machines qu’il a pu inventer, par ailleurs, dans ses aspects les plus techniques et scientifiques.

Roland Gori est psychanalyste, professeur de psychopathologie à l’Université de Marseille. Il est le fondateur de l’Appel des appels.

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Roland Gori / Cigale n°7 - juillet 2010

Ce texte de Roland Gori, est la transcription de larges extraits des entretiens vidéo réalisés par Samuel Wahl, à l’occasion de la soirée IMPOSSIBLE ABSENCE, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, le 31 mai 2010, à l’initiative de la revue Cassandre. On peut en retrouver l’intégralité sur www.horschamp.org.

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